L’association « Shams » pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie, menacée de dissolution

Le gouvernement tunisien a adressé 376 avertissements à des associations « contraires à la loi » et à celles menant des « activités suspectes », a déclaré devant le parlement ce samedi 28 novembre, le Secrétaire général du gouvernement, Ahmed Zarrouk. Il a également indiqué que la Présidence du gouvernement avait présenté une demande, par le biais du chef du contentieux de l’Etat, pour réclamer la dissolution de l’Association Shams, qui défend les droits des LGBT+ tunisiens.

Shams - Pour la dépénalisation de l'homosexualité en TunisieSelon Ahmed Zarrouk, les statuts de l’association n’étant pas encore publié au JORT, le bihebdomadaire officiel édité par l’État tunisien dans lequel sont consignés tous les événements législatifs (lois et décrets), réglementaires (arrêtés), déclarations officielles et publications légales, Shams serait une association « qui dit défendre le droit des minorités sexuelles » tout en étant nénmoins « dépourvue de toute existence juridique ».

Des « allégations » dénoncées par l’association qui a immédiatement publié « la facture de paiement des frais », qui prouve effectivement le dépôt des statuts au Journal officiel de la République tunisienne. Mais, quand bien même…

Toujours en pleine séance plénière, concernant la Loi de finances 2016, le député Ennahdha, Abdellatif Mekki, pour qui l’homosexualité serait « un comportement individuel, dangereux pour la société », a également choisi d’intervenir sur la question, arguant que la Constitution prévoit que les enfants soient élevés dans le cadre des valeurs de l’islam :

« En tant qu’ex prisonnier je vous dis que ces personnes là étaient utilisées pour la torture psychologique des prisonniers » a-t-il expliqué, en parlant des homosexuels, qui constitueraient « un risque pour la stabilité familiale et sociale » : « la décadence des valeurs sont la cause de la baisse de bénédiction ».

Une intervention plutôt curieuse et plus agressive contre « les homosexuels » que contre les terroristes, comme le relève le militant tunisien Gilbert Naccache, ancien prisonnier politique, qui a publié ce dimanche un article intitulé : « Qui veut la peau de Shams ? »

Selon l’auteur, « Monsieur Abdellatif El Mekki, médecin, ancien prisonnier politique et ancien ministre de la santé, s’en est pris à l’association Shams et expliqué qu’on ne devait pas l’autoriser, en des termes que l’on a rarement entendus de sa bouche pour parler des salafistes et autres fanatiques terroristes. Bien, le plus grave danger pour notre société vient des homosexuels, n’est-ce pas ? Mais alors, pourquoi cette affirmation selon laquelle les homosexuels de la prison étaient utilisés pour torturer psychologiquement les prisonniers politiques, alors qu’il dit par la suite que ces prisonniers avaient été très corrects et que donc, il semblerait que la manœuvre des gardiens ait régulièrement échoué. A moins que le seul fait de cohabiter avec des homosexuels, si corrects soient-ils, ne soit considéré comme une torture psychologique ! Voilà qui devrait interpeller les psychiatres. Et on ne voit pas le rapport entre cette soit-disant torture, dans laquelle les homosexuels de la prison étaient aussi des victimes, avec l’autorisation d’une association de défense des homosexuels désireux de vivre normalement, dans le respect de leurs droits humains, juridiques et constitutionnels. Monsieur El Mekki n’est pas homosexuel. Dont acte. Mais pourquoi ne laisse-t-il pas les gens vivre ? »

Un « discours homophobe » et incitatif à la violence, que dénonce aussi Yamina Thabet, fondatrice de l’Association tunisienne de soutien des minorités :

« Ce ne sont donc ni les associations qui financent les terroristes, ni le laxisme avec les extrémistes qui expliqueraient le terrorisme mais une identité sexuelle… » poursuit Yamina Thabet. « La Tunisie ne cessera de s’enfoncer dans la haine de l’autre, dans le repli sur soi, dans une atmosphère de méfiance, se rassurant par le mythe de la société “homogène” à l’identité unique… et le parti islamiste a aujourd’hui passé un message clair, dénoncer les associations suspectes (de financer le terrorisme) se soldera par des attaques contre les associations, de lutte pour les libertés, choix conforté par le gouvernement qui appelle à la dissolution de l’association Shams par exemple. Ainsi, dans un état d’urgence, « le gouvernement s’intéressera à vous uniquement si vous vous faites sauter, et je ne parle pas de bombes (oui à moins qu’elles soient sexuelles ) ».

Le dirigeant islamiste et ancien ministre de la Santé avait déjà réclamé en mai dernier la dissolution de Shams, déclarant que « les homosexuels doivent être soignés sur le plan psychologique, social, sanitaire et éducatif, et sanctionnés comme le prévoit la loi, parce que ce comportement individuel est dangereux pour la société. Que dire quand il devient une activité organisée par une association, liée à un réseau international, lui-même lié à des réseaux dangereux de drogue, d’espionnage, etc. »

« Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’Homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit », répond Shams, qui appelle à un rassemblement le 10 décembre prochain à 11h devant le parlement TUNISIEN au BARDO.

« Profitons de nos derniers jours de liberté parce que c’est connu tous les pays arabes ou le gouvernement est incapable de relevé les vrais défis (le terrorisme et la pauvreté dans notre cas) la répression des homosexuels est la solution a tout les problèmes, Cette demande reflète l’incompétence d’un gouvernement, d’un pays qui se meurt. »

Cette manifestation est organisée pour dénoncer les déclarations discriminatoires du député Mr Abdellatif et en soutien à Marwen, ce jeune homme, condamné à un an de prison pour « homosexualité ». Il devrait repasser encore une fois devant le juge ce 10 décembre justement. L’association demande aussi la libération de toutes les personnes détenues en raison de leur orientation sexuelle et l’abrogation des articles 230 et 226 du code pénal qui criminalisent les LGBT.

Terrence Katchadourian
StopHomophobie