La tristesse des deux p’tits gays de sedan

SEDAN (Ardennes). Agé de 22 ans, Quentin a toujours joué franc jeu avec les clients de son bar. Il est homosexuel et vit avec son ami Jérémy, 18 ans. Manifestement la franchise ne paie pas. Son bar, il vient de le revendre.

CETTE fois, c’est allé trop loin. Quentin s’est dirigé droit vers le commissariat pour y déposer une plainte. Et pour cause, voilà quelques semaines, un ancien client de son établissement, passablement éméché, a voulu lui montrer à quel point il n’aimait pas les « pédés ».
« Ça s’est passé devant mon bar, un soir de match. Il discutait avec une autre personne tout en me pointant du doigt. Je suis sorti pour voir ce qu’il me voulait et là, il m’a sauté dessus et a commencé a me serrer le cou.
Il m’a également fait très mal à un bras. Heureusement des clients sont intervenus et il s’est sauvé. Même si je n’ai eu que trois jours d’ITT, j’ai dû fermer une semaine à cause de la douleur au bras » explique Quentin, à l’époque patron du bar Le Bon Coin place de la Gare, qu’il aura tenu deux ans.
Plus récemment, le jeune homme et son ami ont de nouveau eu droit aux foudres non pas d’un, mais d’une homophobe : « C’était il y a une semaine. On prenait un verre avec mon copain dans un bar de la rue Thiers. Et là j’ai vu entrer la copine d’un de mes anciens clients. Elle a hurlé : « Sales pédés, on va tous vous enc… ». Visiblement elle n’était pas dans son état normal, mais ça n’excuse rien… On commence vraiment à en avoir marre. »
Le père de Quentin, qui lui a parfaitement accepté que son fils puisse mener sa vie et sa sexualité comme il l’entend pourvu qu’il soit heureux, est allé trouver cette jeune femme d’une trentaine d’années pour lui demander des comptes.

« On ne dérange pourtant personne »
Quentin explique comment ça s’est passé : « Elle lui a simplement dit que c’était inadmissible d’avoir un fils pédé et elle lui a retourné une gifle ». Re-plainte au commissariat.
Mais Quentin, tout comme Jérémy du reste, sait pertinemment que cette situation d’intolérance ne se réglera pas au nombre de plaintes déposées : « Il faudrait faire changer les mentalités. Dans les grandes villes, les gays arrivent à mieux vivre leur vie, mais dans des petites villes de province comme Sedan, c’est une horreur. C’est d’autant plus pénible que nous avons décidé de ne pas nous cacher.
Si on a envie de se tenir la main en marchant sur le trottoir, on se tient la main, si on a envie de se faire un bisou dans un bar, on se fait un bisou. Là, je peux vous garantir que ça ne passe pas. Je ne vous dis pas ce qu’on entend. Si vous saviez le nombre d’homosexuels qu’il y a à Sedan et qui vivent cachés, vous seriez étonnés. Je peux vous en parler, car avant de rencontrer Jérémy, je consultais des sites « homo » sur Internet, à force on finit par se faire une petite idée » confie Quentin.
Toutes ces insultes, ces remarques blessantes, ces plaisanteries douteuses à répétition, font qu’aujourd’hui Quentin a décidé de revendre son bar.
« Certains clients me comprenaient et semblaient sincères lorsqu’ils me disaient que j’avais raison de vivre ma vie comme je l’entendais. D’autres jouaient les gens ouverts mais n’en pensaient pas un mot. D’ailleurs celui qui m’a agressé répétait souvent qu’il me comprenait. Et puis, il y a vraiment ceux qui ont carrément la haine contre les gays. Et ici, je trouve qu’il y en a beaucoup. On ne dérange pourtant personne. »
Quentin s’apprête donc à aller travailler au sein de la petite société de son père. Il a au moins une chance dans ses malheurs, que l’on espère passagers : des parents, un frère et une sœur, qui l’aiment et le comprennent. Mais aussi pas mal d’ami(e) s. Des vrais ceux-là. Pas des faux-culs