C’est un jugement historique. La Haute Cour de l’Andhra Pradesh, dans le sud de l’Inde, a affirmé que les femmes transgenres doivent être légalement reconnues comme des femmes, rejetant toute définition fondée exclusivement sur la capacité à procréer.
La décision, rendue le 16 juin par la juge Venkata Jyothirmai Pratapa, intervient dans une affaire opposant Pokala Shabana, une femme trans, à son mari Viswanathan Krishnamurthy et à sa belle-famille. Shabana les accusait de violences conjugales et de harcèlement lié à la dot, et avait déposé plainte sur la base de l’article 498A du Code pénal indien, qui protège les femmes mariées contre les mauvais traitements.
La famille de Krishnamurthy contestait la recevabilité de la plainte, arguant que Shabana, en tant que femme transgenre, ne pouvait être considérée comme une femme au sens de la loi, notamment parce qu’elle ne pouvait pas porter d’enfant.
La juge a fermement écarté ces arguments, estimant que « limiter la définition de la femme à la capacité de procréer est juridiquement intenable et contraire à la Constitution indienne, qui garantit l’égalité et la dignité de chaque individu ». Elle s’est appuyée sur un arrêt emblématique de la Cour suprême de 2014, qui avait reconnu aux personnes transgenres le droit de s’identifier selon leur genre ressenti et d’accéder à une égalité de droits.
Si la Haute Cour a confirmé que les femmes trans peuvent effectivement déposer plainte au titre de la protection des femmes mariées, elle a néanmoins rejeté la plainte spécifique de Shabana, faute de preuves jugées suffisantes pour poursuivre la procédure contre son mari et sa belle-famille.
Pour de nombreuses militantes transgenres, la portée de ce jugement dépasse largement le cadre de cette affaire individuelle. « C’est un pas immense vers la reconnaissance de notre identité et de nos droits », s’est réjouie Kalki Subramaniam, figure emblématique de la communauté trans en Inde. « Ce jugement envoie un message fort : nous avons droit à la même protection que toutes les autres femmes. »
Rani Patel, présidente de l’association Aarohan, a également salué « une avancée décisive », rappelant que « beaucoup de femmes cisgenres ne peuvent pas non plus avoir d’enfants. Réduire la féminité à la maternité est une conception dépassée ».
Cette décision intervient alors que l’Inde est toujours engagée dans un débat sur la reconnaissance des droits des personnes LGBT+, notamment sur la légalisation du mariage entre personnes de même sexe, toujours interdit malgré une opinion publique de plus en plus favorable.
En reconnaissant explicitement les femmes transgenres comme femmes au regard de la loi, la justice indienne franchit une étape importante vers une plus grande égalité et une meilleure protection juridique pour une communauté longtemps marginalisée.