Homosexuels en Tchétchénie : récit d’une « purge silencieuse » aux portes de l’Europe (VIDEO)

Début avril, une enquête de Novaïa Gazeta révélait l’existence d’une véritable chasse aux homosexuels menée par les autorités de la république tchétchène. Plusieurs dizaines de gays présumés ont ainsi été arrêtés et torturés en quelques semaines, selon l’hebdomadaire et plusieurs ONG, dont HRW et Amnesty.

Certains rescapés, qui ont réussi à fuir, exfiltrés vers l’étranger, ont eu le courage de se confier. Mais, comme Azamat, réfugié en France, ils ne se sentent toujours pas en sécurité, inquiet de la diaspora Tchétchène, qui terrorise ceux qui osent « s’écarter du droit chemin ».

En mars 2017, par une journée comme les autres à Grozny, la capitale tchétchène, le jeune homme a été arrêté en pleine rue, par quatre policiers qui ont surgi d’une voiture noire. Après une vingtaine de minutes de trajet, jusqu’à une enceinte de brique rouge avec des barbelés, il s’est retrouvé dans un couloir, où une quarantaine d’autres hommes, certains menottés, attendaient, face contre le mur.

Des enquêteurs lui ont montré la photo d’un ancien amant, probablement interpellé quelques jours auparavant. « Quand j’ai compris pourquoi on m’avait arrêté, j’ai eu vraiment peur ! »

Il va alors faire semblant « de croire qu’il est soupçonné de terrorisme », affirmant qu’il ne connait pas la personne sur l’image et n’a pas non plus de lien avec les jihadistes ou quelque unité armée illégale, ni lui ni personne de sa famille. « C’est l’instinct que j’ai eu », dit-il. « Parce que c’est pire d’être gay que terroriste. »

« Envoyé spécial » a enquêté et rencontré plusieurs autres victimes, vivant désormais cachées, mais qui toutes « racontent la torture ».

« Il me frappaient très fort, en me répétant que c’était pour que j’arrête de donner mon cul ». « Ils nous humiliaient, en nous expliquant que nous étions la honte de la nation et qu’il fallait laver ce péché par le sang ».

Un sort qui n’épargne personne. Au moins d’août, Zelimkhan Bakaev, pop-star en Tchétchénie, a lui aussi été enlevé en pleine rue. Depuis, ses proches sont sans nouvelles.

La Tchétchénie fait pourtant partie de la Fédération de Russie où l’homosexualité n’est pas illégale. Mais elle a aussi son autonomie, sa religion et ses propres lois, inspirées de la charia. Alcool interdit, polygamie, port du voile obligatoire dans les administrations…

En juillet, interrogé par un journaliste américain sur ces arrestations, le président Ramzan Kadyrov, agacé, a de nouveau affirmé « qu’il n’y avait pas d’homosexuels en Tchétchénie », que ce n’était pas non plus des êtres humains, mais des « démons », dont il fallait se débarrasser pour « purifier le sang tchétchène ».

Les sénateurs américains ont voté, ce 1er novembre, en faveur d’une résolution bipartite, appelant les autorités tchétchènes à cesser immédiatement leurs exactions, rendre des comptes, et la Russie à « protéger les droits de tous ses citoyens », et diligenter des enquêtes « pour que les auteurs des abus allégués soient sanctionnés ».

Mousse, Comité Idaho France et STOP homophobie ont en outre déposé une « plainte pour génocide » devant la Cour Pénale Internationale. Nous pouvons encore et toujours l’inciter à réagir : via Twitter et Facebook

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