GPA : Devant le Conseil d’Etat, le rapporteur plaide pour une validation de la circulaire Taubira

«Dans notre République, on ne reproche à personne les circonstances de sa naissance.» Voilà qui devrait réconforter les enfants nés d’une mère porteuse, et leurs parents. Cette conclusion est en effet celle du rapporteur public, vendredi, devant le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative ayant à se pencher sur la gestation pour autrui (GPA). Pourquoi le Conseil d’Etat? Outre les questions éthiques, morales, médicales, financières, juridiques et politiques que pose la GPA, il en est une totalement au point mort: la situation administrative des enfants nés ainsi. Ils vivent sous le même toit que leurs parents, sans forcément disposer d’une carte d’identité ou d’un passeport français. Plus sévère encore, aucun ne dispose d’un livret de famille, l’administration française mettant un point d’honneur à ne pas leur en délivrer, ce qui équivaut à un déni des liens qui unissent parents et enfants.

Combien sont-ils dans ce cas ? Personne ne sait exactement. Plusieurs centaines sans doute. Parfois, leurs parents ne demandent rien à l’administration. Parfois, au contraire, ils se battent pour obtenir l’enregistrement de leurs actes de naissance dans les registres nationaux. Christiane Taubira, la garde des Sceaux, leur a adressé un coup de pouce le 25 janvier 2013. C’est sa circulaire que le Conseil d’Etat doit valider ou pas. Sa décision sera connue dans trois semaines. Suspense. Mais le rapporteur public ayant rejeté tous les recours formés contre elle et réaffirmé l’intérêt supérieur des enfants, l’espoir d’une validation est là.

Elle aura pour effet de débloquer des dossiers pour l’instant en stand-by. La circulaire Taubira est en effet une consigne de la ministre de la Justice demandant aux greffiers des tribunaux d’instance et à tous les fonctionnaires de délivrer des certificats de nationalité française (CNF), aux enfants nés d’une GPA. L’initiative de Christiane Taubira a été aussitôt attaquée pour «excès de pouvoir» par une poignée de députés UMP et cinq associations, dont une de juristes (1) qui y ont vu une façon de contourner l’interdit de la gestation pour autrui (GPA) sur le sol français. Sitôt signée, sitôt bloquée, la «circulaire Taubira» n’a quasiment pas eu d’effets.
Légal dans sept pays d’Europe

Lors de l’audience devant le conseil d’Etat, le rapporteur public a souligné combien chaque histoire de gestation pour autrui est unique. Et le contexte de sa réalisation variable d’un cas à l’autre, en fonction des pays dans lesquels le contrat entre la mère porteuse et les parents a été conclu. Il existe ainsi des actes de naissance absolument incontestables au regard du droit, d’autres moins solides. Il a aussi rappelé que la GPA n’est pas qu’un sujet de polémique franco-française, mais bien un mode de conception certes proscrit en France, mais légal dans sept pays européens, aux Etats-Unis au Canada et en Israël, et toléré dans de nombreux autres. A l’heure où les citoyens sont libres d’aller et venir sur le globe, le rapporteur a précisé qu’une convention internationale sur la GPA était en cours de rédaction à La Haye et que ce texte a pour ambition de cadrer les pratiques, comme pour l’adoption internationale.

Mais, rappel important dans la longue et argumentée prise de parole du rapporteur public, depuis les recours déposés contre la circulaire Taubira il y a un an, le droit français a été condamné par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le 26 juin 2014, précisément en raison de son refus d’accorder une filiation aux enfants nés d’une GPA. La CEDH a estimé que la France a parfaitement le droit d’interdire la GPA sur son sol. Mais qu’elle ne peut pas priver des enfants qui n’ont rien demandé d’une reconnaissance de leur filiation. Et lui donne six mois pour mettre son droit en conformité.

Devant le Conseil d’Etat, le rapporteur public a donc invité les juges administratifs à prendre une décision «dans le respect des autres cours». Tout en soulignant que quelle qu’en soit l’issue, celle-ci sera «caricaturée», car il en va ainsi avec la gestation pour autrui: les pro et les anti se livrent en France à une guerre de tranchée. En attendant, le sort administratif des enfants est en statu quo.

(1) Les députés UMP Guillaume Larrivé, Jean-Frédéric Poisson, MarieJo Zimmermann, Daniel Fasquelle, ainsi que l’association familiale catholique de l’Auxerrois, la Fédération des familles de l’Ain, Juristes pour l’enfance, Avenir de la culture, et FOmagistrats.

Par Marie-Joëlle GROS
pour liberation.fr