En finir avec le suicide chez les jeunes homosexuel-le-s

Le corps d’un jeune homme de 21 ans, Peter, dont le nom nous est caché sans que je ne me l’explique, a été retrouvé le 28 juin 2014 dans la station de sports d’hiver de Valmorel, en contrebas d’un pont. Ce jeune homme avait été hébergé deux mois par l’association Le Refuge, structure d’accueil et de soutien aux jeunes majeurs victimes d’homophobie ou transphobie. L’association déclare que dix mois avant les faits, Peter avait écrit «Mes parents deviennent de plus en plus hard dans leurs prières latines contre le diable. De toute façon, plus rien ne m’étonne après qu’ils aient fait appel à un prêtre exorciste pour me faire changer de bord.» C’est donc tout naturellement qu’elle avance l’hypothèse du suicide de ce jeune homme, thèse soutenue par les associations de défense des homosexuel-le-s par la voix du porte-parole de l’inter-LGBT, Nicolas Rividi, qui affirmait lors de la Marche des Fiertés Parisiennes, le 28 juin 2014, «un jeune s’est jeté d’un pont parce que sa famille le rejetait.»

Il faut savoir qu’en France, chaque année, 30% des homosexuel-le-s de moins de 25 ans tenteraient de se suicider, d’après un rapport rendu au Sénat en 2013. En se référant au vieux rapport Kinsey (1948 et 1953) qui mesurait le pourcentage d’homosexuel-le-s dans la population générale (soit 10%) et le décompte de la population française d’après l’Insee en 2013 (soit 30,6% sur 65 542 916 Français qui revient à 20 056 132 jeunes de moins de vingt-cinq ans), ce sont donc potentiellement 601 683 jeunes homosexuel-le-s qui sont chaque année candidat-e-s à la mort. Combien de temps allons-nous encore laisser cette épidémie toucher une partie de la jeunesse de France sans réagir? Combien de jeunes homosexuel-le-s va-t-il falloir trouver en contrebas d’un pont pour que les pouvoirs publics agissent contre cette hémorragie dans la population?

«Handicap sexuel»

Dans le rapport remis au Sénat en 2013, on apprenait que les raisons du suicide chez les jeunes homosexuel-le-s étaient dues à 64% à la précarité et la peur de se confronter au regard des autres, ce qui revient à dire que la majorité des suicides pour raison d’homosexualité sont dus au rejet familial (qu’il soit subi ou volontaire) et à la honte que ressentent les jeunes homosexuel-le-s en âge de se découvrir tel-le quel-le face aux autres. Rejet, incompréhension, peur sont autant de drames dans la vie de ces jeunes filles et garçons qui commencent leur vie avec un «handicap sexuel» inscrit en eux, avec cette particularité subie malgré eux, qui les rend «différents». Cette manière que l’on a de considérer les homosexuel-le-s comme «différents» de nous, et donc «anormaux» porte un nom, c’est de l’homophobie.

Combien de temps allons-nous encore laisser Christine Boutin écrire que l’homosexualité est une abomination (propos pour lesquels elle a été condamnée), combien de rainbow flags (ou drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel représentant la lutte pour l’égalité des droits des homosexuel-le-s) allons-nous voir brûler au bout des doigts de représentants de l’Eglise avant d’agir, combien de défilés allons-nous laisser envahir nos villes en clamant que l’ouverture du mariage aux couples homosexuels est une loi injuste ou encore que la famille homosexuelle représente un danger pour les enfants?

Piste accidentelle

Répondre à ces attaques incessantes par la raison ne semble pas fonctionner, l’argument de la «nature» est utilisé à tout bout de champs comme seule réponse, alors même que, faut-il le préciser, l’homosexualité est par essence naturelle, puisqu’elle existe dans la nature et n’a pas été inventée (elle n’est pas acquise). Or, laisser se diffuser dans la société ces idées renvoi systématiquement les homosexuel-le-s à leur «anomalie sexuelle», et de fait, induit nécessairement chez les jeunes homosexuel-le-s qui se découvrent un sentiment de rejet, d’incompréhension et de peur, qui mènent 30% d’entre eux au suicide.

Quand le parquet d’Albertville en charge des conclusions de la mort de Peter, privilégie, nous dit l’AFP, la piste accidentelle, on ne peut que se demander si Peter n’est pas mort deux fois. On ne peut s’empêcher de se demander si la chute d’un jeune homme souffrant du malaise induit par le rejet de sa famille n’est pas un «accident volontaire», autrement dit un suicide, d’autant que le vice-procureur le précise «je privilégie la thèse de l’accident, mais je ne ferme aucune porte». Il serait peut-être temps, justement, d’enfoncer les portes, pour que l’épidémie qui touche 601 683 jeunes homosexuel-le-s chaque année cesse enfin.

Par Mike Nietomertz, journaliste et écrivain