Don du sang : Comme pour les Français, les homosexuels canadiens devront encore « s’armer de patience »

En campagne électorale, l’équipe du premier ministre Justin Trudeau s’était engagée à lever « l’interdiction discriminatoire qui empêche les hommes ayant eu des rapports sexuels avec d’autres hommes de donner du sang » et prévaut « même dans les cas de relations sexuelles sures et monogames ». Mais, si le Parti Libéral, qui a également lancé une pétition sur son site, promet  une « nouvelle politique fondée sur la science », le gouvernement fédéral ne semble pas suivre l’élan.

La ministre de la Santé, Jane Philpott, a ainsi indiqué au JournaldeQuebec que Santé Canada, qui dicte les règles à Héma-Québec et à la Société canadienne du sang, « s’attend à recevoir prochainement » une proposition de la part des deux sociétés de don de sang pour ramener le délai d’interdiction de cinq ans à un an.

Mais, selon Marie-Pier Boisvert, directrice générale du Conseil québécois LGBT, assouplir l’interdiction reste « discriminatoire, tant qu’elle sera basée sur le sexe du partenaire plutôt que sur les comportements sexuels » : « Un homosexuel qui a une relation monogame depuis longtemps est bloqué de donner du sang. Mais un hétérosexuel qui a des comportements à risque avec plusieurs partenaires, lui, a le droit de donner du sang. Ça n’a pas de sens ! »

Héma-Québec manque de données… Pourtant, plusieurs pays comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, le Mexique, la Russie et l’Afrique du Sud ont aboli ce genre de restrictions. « On devrait tout simplement demander au donneur s’il a eu des comportements sexuels à risque comme des relations non protégées, des partenaires sexuels multiples, etc., peu importe que ce soit avec des hommes ou des femmes », souligne  Marie-Pier Boisvert : C’est la voie à suivre !

La ministre de la Santé affirme néanmoins que le gouvernement « demeure engagé à prendre des décisions basées sur les faits pour appuyer l’élimination de politiques de sélection des donateurs stigmatisantes ». Mme Philpott continuera de « faire pression » en ce sens, assure-t-elle.

L’exclusion des homosexuels et bisexuels du don de sang remonte aux années 80, peu après la découverte du sida, justifiée par une plus forte présence du VIH dans cette population et l’existence d’une « fenêtre silencieuse » d’une dizaine de jours, pendant lequel le virus est indétectable dans le sang collecté. Mais si plusieurs pays préconisent systématiquement son maintien, d’autres l’ont depuis remplacée en optant pour un délai de 12 mois, comme c’est également le cas en France. En novembre 2015, la ministre de la santé avait en effet annoncé l’ouverture progressive du don du sang aux homosexuels à partir du printemps 2016. Une mesure provisoire « pour assurer la sécurité des transfusions », qui devrait également permettre de réaliser des études, a déclaré Marisol Touraine, pour être encore révisée et « se rapprocher dès 2017 des règles générales appliquées aux autres donneurs ».

En Italie comme en Espagne ou encore en Pologne, les exclusions temporaires sont les mêmes pour les comportements à risque, peu importe l’orientation sexuelle.

Terrence Katchadourian
stoophomophobie.org