#Discrimination #Salaires : Pour gagner plus, mieux vaut ne pas être en couple homosexuel

Mieux vaut être un homme blanc hétérosexuel pour obtenir un emploi et être bien payé. Le constat n’est pas neuf, mais l’Insee le précise en publiant, jeudi 10 avril, un ensemble d’études originales sur les discriminations liées aux origines ethniques et au sexe. Certains travaux exploitent des données anciennes, mais l’ensemble donne à voir des phénomènes jusqu’à présent mal documentés.

Même avec un diplôme plus élevé, les jeunes maghrébins sont plus discriminés

Rien n’y fait. Un testing réalisé à l’été 2010 en région Ile-de-France a mis en évidence que même en étant titulaire d’un BTS, un jeune homme d’origine maghrébine qui postulait à un emploi de technicien de maintenance, avait 1,25 fois moins de chances qu’un jeune « d’origine française » de niveau bac d’accéder à un entretien d’embauche. Le secteur de la maintenance avait été volontairement choisi par les chercheurs, car considéré comme « en tension ».

Les actifs d’origine étrangère écartés des emplois où il y a du contact avec la clientèle

D’après les données d’une enquête Insee de 2003, les personnes d’origine africaine ou « non européenne » de la première génération auraient 9 % à 12 % de chances de moins de décrocher un emploi où il y a un contact avec de la clientèle. L’essentiel de ce résultat s’expliquerait par une plus faible maîtrise du français. « Mais, soulignent les chercheurs, cette sous-représentation ne concerne que le secteur privé. » « La discrimination n’émane pas nécessairement de l’employeur. Celui-ci pourrait se borner à répercuter ce qu’il pense être les préjugés ethniques de sa clientèle. »

Si on est une femme immigrée, mieux vaut être asiatique pour obtenir un entretien d’embauche

A en croire les résultats d’un « testing » réalisé en 2009 avec le CV de développeurs informatiques fictifs de niveau bac + 5, les candidatures qui ont été le moins invitées à se présenter pour un entretien d’embauche étaient celles des femmes d’origine marocaine et sénégalaise (respectivement 10 % et 8 % de taux de réponse).

Les femmes ont globalement moins de chances d’obtenir un rendez-vous que leurs homologues masculins… sauf celles d’origine vietnamienne (20 % de réponses positives, contre 12 % pour les hommes de même origine). Ces dernières obtiennent à peu près le taux de réponse que les femmes françaises (22 %). Les hommes d’origine française arrivent largement en tête (près de 28 %).

Pour gagner plus, mieux vaut ne pas être en couple homosexuel

De nombreuses études anglo-saxonnes font état de salaires plus faibles parmi les homosexuels, à compétences et postes comparables, mais les données manquent en France. L’Insee a comparé les salaires des personnes qui déclarent vivre en couple avec un « ami » de même sexe, seul indice statistique disponible de l’orientation sexuelle, en éliminant les possibles cohabitations (étudiants, retraités, personnes ayant de faibles revenus, etc.), avec ceux du reste de la population. Un écart de 6 % à 7 % apparaît dans le secteur privé. Il est de 5 % à 6 % dans le secteur public. Ce désavantage s’accroît avec la qualification et avec l’âge. Il n’est pas observé pour les femmes.

Les femmes chefs paient moins mal leurs subordonnées

Les « cheffes » font progresser l’équité salariale : les écarts entre hommes et femmes diminuent de 30 % à 85 % quand l’encadrement est féminin. En revanche, les salaires sont globalement plus faibles : les salariés qui ont une supérieure touchent 2,5 % à 4 % de moins que ceux qui ont un supérieur. Cela reste vrai même en tenant compte du fait que les femmes montent dans la hiérarchie dans des secteurs où les salaires sont plus faibles.

Est-ce dû à des différences entre les fonctions d’encadrement occupées, à des caractéristiques individuelles, à une moindre disposition des femmes vis-à-vis de la négociation salariale, ou à un comportement discriminatoire des entreprises envers leurs demandes ? Même si l’interprétation du phénomène n’en est qu’à ses débuts, les chercheurs penchent en faveur de cette dernière hypothèse.

Par Gaëlle Dupont et Elise Vincent
Journalistes au Monde