Des festivals de cinéma LGBT notamment privés de subventions par la région de Laurent Wauquiez

Manifestations de sensibilisation, initiatives contre les discriminations… Depuis l’arrivée de Laurent Wauquiez, à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, plusieurs associations LGBT, notamment organisatrices d’événements culturels, ont été privés des subventions de la région, « instaurées il y a pourtant des années ».

Ainsi, « Face à Face », qui se tient à Saint-Étienne, s’est vu refuser son enveloppe annuelle. Et si le festival a réussi à maintenir sa programmation en septembre dernier « sans bouleversement majeur », grâce à la reconduction fin 2015 de sa subvention par la majorité sortante, précise le site Heteroclite, l’édition 2017 risque d’être plus compliquée, « en dépit des aides de la Ville de Saint-Étienne (3 000€) du département de la Loire (500€) et du député socialiste de la deuxième circonscription de la Loire, le “réformateur” Jean-Louis Gagnaire (700€ pris sur sa réserve parlementaire). »

Dominique Thévenot, nouveau président du festival, n’exclut d’ailleurs pas « une riposte commune » et envisage pour compenser « de développer des partenariats avec d’autres institutions culturelles et collectivités locales ».

« Sans grand espoir », toute l’équipe de « Vues d’en face », le « Festival International du Film Gay et Lesbien » de Grenoble, redoute également la suppression de sa subvention traditionnelle de 3 000€ : « On va certainement devoir réduire la voilure », a confié Lauriane Leroy, trésorière de l’association organisatrice.

Le département de l’Isère avait déjà réduit sa participation l’an dernier, « la Ville de Grenoble cherche à en faire de même, tout en compensant cette baisse par des avantages en nature (mise à disposition de lieux, etc.) ».

La prochaine édition en avril 2017 ne comprendra donc qu’un seul week-end (contre deux actuellement). « Le festival se déroulera probablement du vendredi au mardi ou au mercredi suivants et il n’y aura plus de soirée officielle toute la nuit », poursuit Lauriane, soulignant « qu’une campagne de dons via la plateforme HelloAsso » est en place pour tenter de résorber ces coupes budgétaires, qui risquent de limiter les invités (réalisateurs et réalisatrices, notamment).

Vues d’en face rappelle en effet que « 20€ correspond au coût de deux minutes de traduction et de sous-titrage d’un court-métrage, 50€ au coût des droits de diffusion d’un court-métrage, 100€ au coût de 300 programmes papier du festival ».

« Sur notre budget de 12 000€, 900 sont consacrés au transport des films, 2 000 aux frais de TGV. À quoi il faut ajouter 1 000€ d’hôtels et 1 000€ en restaurants pour les invité-e-s », insiste par ailleurs sur LE PLUS du NovelObs Ivan Mitifiot, directeur du festival « Écrans Mixtes » à Lyon.

Soutenu là encore à hauteur de 3 000€ par la région depuis 2011, il est désormais concerné par la croisade lancée par la nouvelle majorité régionale.

« La nouvelle est tombée en novembre, mais à vrai dire, nous nous y attendions. L’élection de Laurent Wauquiez en janvier dernier nous avait inquiétés. Ses prises de positions lors des débats sur le “mariage pour tous” ne présageaient rien de bon. Lorsque nous avons appris que le festival LGBT de Saint-Etienne, Face à Face, s’était vu refuser sa subvention de 5000 euros annuelle sans aucune explication, nous avons compris que la politique de l’élu s’installait concrètement ».

Pour devancer un éventuel refus, Ivan Mitifiot avait fait le 19 juillet dernier « la demande exceptionnelle » d’un entretien auprès de Florence Verney-Carron, déléguée à la culture et au patrimoine. « Je n’ai jamais eu de réponse. Seulement, des mois plus tard, j’ai reçu un courrier m’annonçant que les 3000 euros de subvention que nous avions perçu pour organiser le festival les années précédentes ne nous seraient pas donnés en 2017 », explique-t-il : « Avec ce choix, Laurent Wauquiez marque son territoire en attaquant directement le festival mais aussi son public de cinéphiles et de militants LGBT. C’est pour la région une façon de nous rendre invisibles et illégitimes. »

Mais le problème n’est pas tant la subvention, sinon « le fait que la région semble envoyer un message négatif aux personnes LGBT. Comment expliquer à un adolescent homosexuel qu’il n’a pas à avoir honte de ce qu’il est, si même sa région tente de décrédibiliser un festival LGBT ? Notre mission est de lutter contre les discriminations. Nous affaiblir, c’est ouvrir la porte à moins de tolérance. »

La septième édition d’Écrans Mixtes aura toutefois bien lieu, comme chaque année pendant une semaine autour de la date de la journée des droits des femmes, le 8 mars prochain : « On est des cinéphiles mais aussi des militants et rien ne nous empêchera de faire ce qu’on a à faire. Ce n’est pas à la Région, mais au public de décider de la mort ou de la vie d’Écrans Mixtes et des festivals de cinéma LGBT. Le nôtre ne cesse d’augmenter d’année en année et le festival n’est donc pas près de s’arrêter. Nous le ferons à l’avenir avec moins d’argent mais avec encore plus de volonté et avec le soutien de nos partenaires historiques, institutionnels et privés, notamment de la Ville de Lyon qui est à nos côtés depuis le début.

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Laurent Wauquiez tente de nous invisibiliser mais nous allons être plus visibles que jamais ! Nous sommes encore plus motivé-e-s pour faire un festival qui aura encore plus de gueule ! Nous sommes bien sûr totalement solidaires des autres festivals qui se sont vus sucrer également leurs subventions de la région. Cela nous encouragera à être encore plus soudé-e-s les un-e-s les autres. En 2017, nous donnerons ainsi carte blanche à Face à Face pour un programme de court-métrages. Et ce n’est que le début ! », promet-il.

En outre, les interventions en milieu scolaire du délégué régional du Défenseur des droits pour sensibiliser les élèves à la question des discriminations, ne sont plus financées par la région. Et la « Délégation régionale à la lutte contre les discriminations » a été supprimée dès le début du nouveau mandat, tout comme la « Quinzaine de l’égalité femmes-hommes », suspectée de promouvoir la fameuse « théorie du genre ».

« On n’a plus de véritable interlocuteur », se désole Olivier Borel, porte-parole de la LGP. « Les vice-présidents ne pèsent pas grand-chose et n’ont que très peu de marges de manœuvre : toutes les demandes remontent directement auprès du cabinet de Laurent Wauquiez, qui s’est démesurément agrandi ». Mais ce n’est visiblement pas parce que son équipe s’est élargie que le président de la région a désormais plus de temps pour se rendre au cinéma…

« Les personnes qui ne respectent pas la communauté LGBT sont, en réalité, ceux qui ne la connaissent pas ». C’est pourquoi souhaite inviter Laurent Wauquiez, en espérant sincèrement qu’il se déplace pour constater « que nous sommes un festival culturel ouvert qui favorise l’échange et la discussion. Une fois qu’il aura vu de ses propres yeux la nature du festival Ecrans Mixtes, je suis sûr qu’il reviendra sur sa décision. Si c’est quelqu’un d’intelligent, il cessera d’avoir peur de ce qu’il ne connait pas », conclut-il.

Valentine Monceau
stophomophobie.com