Après le choc provoqué par le meurtre sauvage de Daniel Zamudio, un jeune homosexuel en mars par des néonazis présumés, le Chili s’est doté jeudi de sa première loi anti-discriminations, un texte considéré comme un pas en avant dans la lutte contre le conservatisme.
Le texte a été baptisé « Loi Zamudio » en hommage à Daniel Zamudio, un homosexuel de 24 ans décédé le 27 mars à la suite de trois semaines d’agonie après avoir été roué de coups et torturé sur une place de Santiago au petit matin par un groupe de néonazis présumés.
Présentée en 2005 au Parlement, la loi n’a été approuvée qu’en mai 2012. Elle établit pour la première fois dans le droit chilien le concept de « discrimination arbitraire » en raison du sexe, de la religion, de la race ou de la condition sociale, et sanctionne les contrevenants d’amendes de 400 à 4.000 dollars.
« Grâce au sacrifice de Daniel, aujourd’hui nous avons une nouvelle loi dont je suis sûr qu’elle va nous permettre d’affronter, prévenir et sanctionner les discriminations, qui provoquent tant de douleur », a déclaré le président Sebastian Piñera (droite), en promulguant le texte.
Des représentants des communautés juives, arabes, indigènes, des handicapés et les parents de Daniel Zamudio ont notamment assisté à la cérémonie.
« Je suis très fière que la loi soit parue et qu’elle porte son nom. Mon fils ne sera jamais oublié », a déclaré la mère de Daniel, Jacqueline Vera.
Selon le texte, la « discrimination arbitraire » est « toute distinction, exclusion ou restriction effectuée sans justification raisonnable, par des agents de l’Etat ou des particuliers, et qui serait la cause de privation, perturbation ou menace à l’exercice légitime des droits fondamentaux » de chacun.
Cette loi, bloquée sept ans par des parlementaires conservateurs craignant qu’elle n’ouvre la voie au mariage homosexuel, constitue une nette avancée sociale dans un pays où le divorce n’est autorisé que depuis 2004, en raison notamment de la forte opposition de l’Eglise catholique, à laquelle disent adhérer 80% des 16 millions de Chiliens.
Et ça n’est qu’en 1999, neuf ans après la fin de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), qu’avait été abrogée la loi punissant de peines de prison les personnes pratiquant la sodomie. La gauche a dirigé le pays de la fin de la dictature jusqu’en 2010.
« C’est un bon jour. Le Chili aujourd’hui est un meilleur pays où vivre », s’est réjoui Rolando Jimenez, président du Mouvement de libération homosexuelle (Movilh), qui a comptabilisé 17 morts et 800 agressions contre des homosexuels entre 2002 et 2012, en raison de leur orientation sexuelle.
Avant le choc collectif provoqué par la mort de Daniel, « des thèmes comme la discrimination n’apparaissaient tout simplement pas dans le débat public. Aujourd’hui, la société chilienne semble acquérir un statut plus moderne. Tout a été très rapide, après tant d’années de sur-place », a commenté pour l’AFP le journaliste Oscar Contardo, auteur d’un livre sur l’histoire de l’homosexualité au Chili
Celui-ci attribue ces changements à la perte d’influence de l’Eglise, suite notamment à de retentissants scandales pédophiles, et à l’émergence d’une nouvelle génération, éduquée après la fin de la dictature.
« L’Eglise est passée en très peu de temps d’institution la plus reconnue à celle la plus remise en question. Cela tient également à une nouvelle génération qui a grandi sous la démocratie et a eu accès à plus d’informations », résume Oscar Contardo.