Budapest : la Pride défie Orbán et signe une mobilisation historique

Sous un soleil de plomb et une marée de drapeaux arc-en-ciel, Budapest a vécu samedi 28 juin la plus imposante Marche des fiertés de son histoire, attirant près de 200 000 personnes selon les organisateurs, contre 30 000 à 50 000 participants habituellement. Bien au-delà d’un défilé festif, l’événement a pris des allures de contestation politique contre le Premier ministre Viktor Orbán et sa politique jugée de plus en plus liberticide à l’égard des minorités sexuelles et des libertés publiques.

« C’est la plus grande Pride jamais vue ici, et surtout la plus importante sur le plan politique », confie Viktoria Radvanyi, présidente de l’organisation Budapest Pride.

Malgré l’interdiction officielle prononcée quelques jours plus tôt par la police, le maire écologiste de Budapest, Gergely Karácsony, a maintenu la marche en la déclarant « festival municipal », contournant ainsi l’obligation d’autorisation préfectorale.

Depuis son retour au pouvoir en 2010, Viktor Orbán, chantre de l’« illibéralisme », multiplie les restrictions visant la communauté LGBT+. Une loi votée en mars interdit désormais tout rassemblement susceptible d’« exposer » l’homosexualité ou la transidentité aux mineurs, une mesure largement dénoncée par l’Union européenne comme une régression des droits fondamentaux.

Dans les rues de Budapest, la foule arborait slogans et pancartes clamant la liberté et l’égalité. Nombre de participants masquaient cependant leur visage, redoutant la surveillance policière et le recours à la reconnaissance faciale, qui pourrait entraîner des amendes allant jusqu’à 500 euros.

Plus de 70 députés européens avaient fait le déplacement pour marquer leur solidarité. « Ce qui se joue en Hongrie concerne toute l’Europe », martèle Raphaël Glucksmann, eurodéputé français, appelant Bruxelles à « mettre un coup d’arrêt aux dérives autoritaires ».

Cette 30e édition s’est ainsi déroulée dans une ambiance globalement pacifique, malgré la présence de groupes d’extrême droite venus dénoncer ce qu’ils qualifient de « propagande LGBT ». Un blocage éphémère sur un pont de la ville a contraint le cortège à modifier son itinéraire, sans heurts majeurs grâce à un encadrement policier discret.

Cette démonstration de force intervient alors que le parti de Viktor Orbán, le Fidesz, voit sa popularité fléchir dans les sondages, devancé pour la première fois par Péter Magyar, un nouveau venu sur la scène politique hongroise. Selon plusieurs analystes, la tentative du gouvernement de faire interdire la Pride pourrait finalement se retourner contre lui, en mettant en lumière ses difficultés à imposer des lois contestées jusque dans la rue.

« Ce n’est plus seulement une Pride, c’est un acte de résistance », résume Zsolt, quadragénaire hongrois, drapé d’un drapeau arc-en-ciel.

Dans une Hongrie de plus en plus surveillée, la foule, ce samedi, a rappelé qu’il reste un espace que Viktor Orbán peine encore à contrôler : la rue.