Afrique Trois ans après le premier mariage gay au Malawi, Tiwongue Chimbalanga ne regrette rien

Réfugiée en Afrique du Sud, Tiwonge Chimbalanga ne regrette absolument pas d’avoir organisé en 2009 la première cérémonie symbolique de mariage homosexuel au Malawi, même si cela lui valut d’être condamnée à 14 ans de prison.

Dans sa première interview depuis qu’elle a obtenu l’asile politique en Afrique du Sud, Tiwonge Chimbalanga, aujourd’hui âgée de 24 ans, demande à davantage d’homosexuels de sortir de la clandestinité dans son pays, le Malawi.

“Je n’ai aucun regret, je n’ai rien fait de mal”, dit à l’AFP Chimbalanga qui se présente désormais comme une femme transgenre même si elle a été jugée en mai 2010 en tant qu’homme et homosexuel.

Connue sous le pseudonyme de “Tante Tiwo”, Chimbalanga et son compagnon Steven Monjeza avaient braqué les projecteurs sur le Malawi conservateur lorsqu’ils avaient été arrêtés, en décembre 2009, pour avoir organisé la toute première union symbolique de deux hommes.

Présentés comme les deux premiers “amoureux gays” s’affichant en public, ils avaient été condamnés à quatorze ans de prison et aux travaux forcés pour l'”effroyable exemple” qu’ils étaient censés donner. Ils avaient quitté le tribunal menottés et sous les insultes des curieux.

“J’ai des sentiments mélangés car, d’une part, ce fut merveilleux pour moi de faire une chose aussi normale et naturelle que de se marier, et d’autre part, ce fut extrêmement douloureux”, dit Chimbalanga.

“J’ai été battue en prison. Pendant le procès, des gardes m’ont maltraitée. J’ai été ridiculisée, ai souffert de toutes sortes de traitements dégradants et je garde des cicatrices des passages à tabac subis. Mais je me félicite d’avoir été capable de faire ce que je voulais faire”, dit-elle.

Les pressions internationales, après sa condamnation et celle de son compagnon, avaient contraint le défunt président Bingu wa Mutharika à accorder la grâce aux deux condamnés, lui qui les avaient auparavant décrits comme des “malades mentaux” coupables d’avoir organisé une cérémonie “satanique”.

Depuis, un moratoire sur l’interdiction des relations entre personnes de même sexe a été adopté au Malawi, après l’arrivée au pouvoir de la nouvelle présidente Joyce Banda.

“Ce n’est pas fini”

“Ce que je souhaite pour le Malawi, c’est que toutes les personnes homosexuelles, gays, lesbiennes et transsexuelles sortent du placard (…). Il semble qu’au Malawi, il y ait des droits pour les riches et d’autres pour les pauvres”, dit Chimbalanga.

“Je veux que chacun dispose (…) de la liberté de choisir la façon dont il veut mener sa vie et le seul moyen d’y parvenir, c’est de sortir de la clandestinité et de faire valoir ses droits”, dit-elle.

Après leur libération, le couple Chimbalanga-Monjeza s’est séparé.

Tiwonge Chimbalanga a passé des mois cachée en lieu sûr au Malawi avant d’être transférée l’année dernière en Afrique du Sud où les droits des homosexuels sont inscrits dans la Constitution. C’est aussi le seul pays d’Afrique ou le mariage homosexuel est légal, alors que l’homosexualité reste punie par la loi dans 37 pays du continent.

Tiwongue Chimbalanga y bénéficie du soutien de l’ONG sud-africaine Gender Dynamix et d’Amnesty International. Dans son nouveau logement d’une pièce, qu’on atteint par un escalier extérieur décoré de plantes en pot, un amas de dossiers résume son épreuve.

A l’intérieur, figurent des lettres d’indignation reçues après son mariage mais aussi des soutiens du monde entier. Un document détaille le délit infamant de “sodomie” à l’époque coloniale britannique. Des coupures de journaux évoquent l’histoire de son couple, avec ce gros titre: “Monjeza dit: ‘J’aime toujours Tante Tiwo'”.

Pour elle, les faits ont généralement “été montés en épingle, exagérés, sortis du contexte” même si certains articles “correspondaient à la vérité”. “Jusqu’à maintenant, je n’ai aucune confiance dans les journalistes du Malawi. Je refuse de leur parler”, dit-elle.

Elle ajoute cependant: “Même ici, en Afrique du Sud, je veux me marier et j’inviterai les journalistes du Malawi à venir, se rendre compte par eux-mêmes et dire la vérité”. “Ce n’est pas fini”, lance-t-elle.