Actions des anti-mariage homo: gauche et droite se renvoient la balle

A quelques jours de l’examen en deuxième lecture du texte de loi sur le mariage homosexuel, les opposants au projet ne désarment pas, multipliant les opérations spectaculaires, alors que chaque camp se rejette la responsabilité de la crispation croissante autour du débat.

Ministres chahutés, “réveil” d’un député, TGV bloqué, confrontation avec les forces de l’ordre, l’accélération du calendrier parlementaire pour l’examen du projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, qui reviendra dès mercredi à l’Assemblée nationale après son adoption vendredi au Sénat, a fait monter d’un cran la mobilisation des “anti” ces derniers jours.

Les premières actions coups de poing avaient commencé à la suite de la manifestation nationale des opposants du 24 mars, après l’appel à des actions plus radicales lancé par le Printemps français, plus marqué à droite que la Manif pour tous, le principal collectif d’opposition au mariage gay. Elles se sont multipliées depuis.

A Nantes, des opposants ont poursuivi samedi toute la journée l’essayiste pro-mariage gay Caroline Fourest, perturbant un débat auquel elle participait, bloquant son TGV et l’attendant à son retour gare Montparnasse à Paris.

Dès l’aube, une quinzaine d’entre eux avaient manifesté bruyamment sous les fenêtres du député écologiste de Loire-Atlantique, François de Rugy, qui soutient le projet.

A Bordeaux, près de 300 personnes ont défilé jusqu’au domicile de la ministre déléguée aux Personnes âgées, Michèle Delaunay, absente, pour réclamer sa démission. A Toulouse, des manifestants ont défilé à bord de 150 véhicules aux cris de “Hollande, ta loi on n’en veut pas!”. Un nouveau rassemblement est prévu dimanche après-midi à Lyon.

Menaces sur la démocratie

Dès vendredi, quelques heures à peine après l’adoption du texte par la Haute chambre, des milliers de manifestants –7.500 selon les organisateurs, 2.300 pour la police– étaient redescendus dans la rue à l’appel de la Manif pour tous pour dénoncer avec virulence un “déni de démocratie”. A l’origine, le projet de loi ne devait repasser que fin mai devant les députés.

Les forces de l’ordre avaient dû recourir à des gaz lacrymogènes pour les disperser, notamment des membres de l’institut Civitas, proche des catholiques intégristes, et des groupuscules d’extrême droite.

Hollande veut du sang, il en aura! Tout le monde est furieux. Nous vivons dans une dictature”, s’était emportée Frigide Barjot, chef de file de la Manif pour tous, avant de tempérer ses propos. Elle a appelé à un nouveau rassemblement national le 5 mai, qui coïncide avec la date choisie par Jean-Luc Mélenchon pour donner “un grand coup de balai” après l’affaire Cahuzac.

Sur les réseaux sociaux, le débat fait rage. Samedi, l’agression crapuleuse à Paris d’un jeune militant UMP connu pour son engagement contre le mariage homosexuel a enflammé Twitter, où beaucoup de militants partageant les positions de la victime ont laissé entendre qu’elle ne devait rien au hasard. Dans la foulée, deux rassemblements de soutien à Paris ont réuni plusieurs centaines de personnes.

Le Premier secrétaire du PS, Harlem Désir, a dénoncé dimanche la “traque” de Caroline Fourest, y voyant des “actes de terreur idéologique” encouragés par “les silences de la droite”. La droite “se laisse diriger par une Mme Barjot, qui pense qu’un vote du Sénat relève de la dictature, et Mme Boutin, qui profère les pires menaces sur la démocratie et la République”, a lancé le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. La présidente du Parti démocrate-chrétien avait parlé de “guerre civile” dans un tweet.

Le gouvernement n’est “pas innocent dans la violence”, a rétorqué l’UMP Jean-Pierre Raffarin. L’accélération du calendrier parlementaire est une décision “stupide”qui va “encore un peu plus radicaliser” le débat, a estimé François Fillon, emboîtant le pas au président de l’UMP Jean-François Copé, qui a parlé samedi de “véritable provocation” qui “aura forcément pour conséquence une grande mobilisation populaire” des opposants.

Tout en “condamnant” les violences, ils ont pressé le président de la République de suspendre le projet de loi.