Homosexualité dans le rugby : « Pourquoi est-il compliqué de faire son coming out » ?

Ses révélations risquent de faire grand bruit dans l’univers du rugby. Le 11 juin prochain, un rugbyman publie chez Hugo Sport « Je suis le rugbyman masqué, dans les coulisses du rugby français ». Un récit sans concessions sur un sport qui a basculé dans le professionnalisme depuis vingt ans. Ce joueur, qui tient à conserver l’anonymat, qui a connu des sélections en équipe de France et de nombreuses rencontres de Top 14, brosse des portraits acerbes de certains acteurs du rugby hexagonal. De plus, il évoque les fameuses soirées et les troisièmes mi-temps enflammées mais aussi des sujets plus tabous, comme le dopage.

Autre sujet rarement évoqué : l’homosexualité dans le rugby. Le Point.fr propose des extraits, en exclusivité.

1813516lpw-1817906-jpg_2879721#1 : « Combien de fois je me suis soûlé »

« Je ne sais pas si mes enfants joueront au rugby, je ne les forcerai pas, mais si c’est le cas, je resterai le rugbyman masqué. Je ne leur dirai pas combien de fois j’ai montré mon cul en public, combien de fois je me suis envoyé en l’air, combien de fois je me suis soûlé, combien de fois j’ai eu peur, combien de fois mes coéquipiers m’ont sauvé de dérapages incontrôlés. Combien de kilos de fonte j’ai soupesés, combien de tours de terrain j’ai effectués.

Je leur laisserai découvrir comment il est possible que des gens si dissemblables puissent former un monde désespérant et à hurler de rire à la fois, un monde tellement attachant aussi. Je dois au rugby d’avoir pu construire ma vie d’homme au-delà du simple geste sportif. C’est tout le charme de ce sport.

Le rugby est un mélange de traditions et de modernité qui ne s’amalgament jamais tout à fait. Toutes les générations ont connu ça. Mais, à la fin, quand je serai devenu un vieux dirigeant sucrant les fraises au milieu de jeunes joueurs en smoking, je surveillerai les plus cons, ceux qui n’ont qu’une idée : se barrer pour aller picoler et draguer les filles.

Je les surveillerai pour qu’ils ne se prennent pas pour des stars. Sinon, ils auront affaire à moi. Et le lendemain, ils auront une sacrée gueule de bois. »

Fabien Galthié#2 : « Galthié, brillant et insupportable »

Vous remarquerez que les candidats qui ont une chance de récupérer le poste de sélectionneur après Saint-André sont quasiment tous des consultants. Je dis ça, je dis rien. Il faudrait que ça change, bien sûr. Je ne peux pas imaginer une seconde qu’on ait un nouveau sélectionneur et que rien ne bouge. Je refuse d’y croire. Je suis sûr que la Fédération choisira un caractériel comme prochain sélectionneur.Après Marc (Lièvremont) et Philippe (Saint-André), il faut un disjoncteur électrique. Je n’en vois qu’un : Fabien Galthié.Il est brillant. Ses qualités d’entraîneur sont indiscutables, tout le monde en convient. Mais il est insupportable. Humainement, il est imbuvable. Partout où il est passé, tout le monde le déteste. En équipe de France, au Stade Français, à Montpellier, il a traumatisé tout le monde. J’ai joué avec lui longtemps. Il est affreux. Il a toujours dit qu’il ne supportait pas la médiocrité et il est logique avec lui-même. Je veux dire qu’il s’impose à lui-même ce qu’il attend des autres, de l’audace, de l’ambition, de l’orgueil. Mais sa façon de s’adresser à toi va parfois au-delà du dédain.

Je n’en dirai pas plus.Mais putain, quel joueur ! Quel entraîneur ! C’est le genre de pervers qui te pose une question dont il connaît la réponse, juste pour voir si tu captes…Il te teste. C’est un manipulateur.

« Un solitaire, un individualiste »

En 1999, il s’est approprié les victoires contre l’Argentine puis contre les All Blacks, mais, d’après ce qu’on m’a raconté, il n’a été qu’un élément parmi d’autres. En fait, Fabien Galthié avait été vexé d’être le troisième choix durant cette Coupe du monde. Il était titulaire les années précédentes et n’a pas compris son éviction. En 1997, il se blesse au genou et il est remplacé par ce dingo de Philippe Carbonneau, qui n’était d’ailleurs pas un peintre.

Mais contre les Springboks en tournée en France, Fabien est rappelé, et c’est logique vu qu’il est certainement le meilleur. Sauf que la France prend deux raclées. Lapasset en personne aurait demandé sa tête, il n’en voulait plus. Pourtant, il n’est pas plus responsable que les autres des 50 points encaissés à Paris. En fait, Lapasset le taille parce que Galthié se fait intercepter sur une action. Tu parles ! Les Springboks étaient chargés comme des mules.

Il reviendra quand même en 1998, mais ne supportera pas d’être la doublure de Carbonneau. Il se désolidarise tout seul du groupe, les relations avec les entraîneurs s’enveniment. Skrela le punit. Il ne reviendra qu’en 1999, à la faveur de la blessure des autres demis de mêlée, et, bien sûr, il en fera des caisses pour montrer qu’on n’aurait jamais dû l’écarter. Depuis, il pense sans doute toujours qu’il n’est pas reconnu à sa juste valeur. Il rumine, il veut constamment démontrer qu’il est le meilleur. Aujourd’hui, il veut l’équipe de France, c’est certain. C’est un solitaire, un individualiste, le genre qui veut tout faire tout seul.Je pense que c’est le meilleur pour le poste. S’ils lui filent l’équipe de France, je pense qu’il va être génial, que ça va être terrible. Ce serait tellement excitant !

Pieter de Villiers#3 : « J’ai vu des mecs prendre des stupéfiants »

Et c’est vrai que les étrangers qui débarquent dans notre Championnat ont souvent cette culture-là. Avec eux sont arrivés des mélanges de produits qu’on ne connaissait pas jusque-là. Des sortes de cocktails. Ça, j’ai pu le constater. Et pour moi, consommer régulièrement ce genre de produits trahit obligatoirement des prédispositions au dopage.

C’est sûr, même les compléments alimentaires, ça peut paraître tendancieux. En troisième mi-temps, dans des soirées privées, j’ai vu des mecs prendre des stupéfiants. Ça, oui. C’est encore plus fréquent dans l’hémisphère Sud. L’Australie a un grave problème avec ça, y compris avec l’alcoolisme et les drogues que prennent certains joueurs pendant ces soirées.

C’est limite choquant. Pas évident, ensuite, de déterminer où s’arrête la prise de cocaïne présumée « festive » et où commence le dopage… Ça me rappelle l’affaire Pieter de Villiers. Il aurait bu au cours d’une soirée privée un punch dans lequel on aurait versé « à son insu » de la poudre. Ça tendrait à dire quoi ? Qu’il y avait des gens dans le microcosme du Stade Français qui consommaient de la cocaïne ? C’est bien possible. Dans un but de dopage ? Ce n’est pas prouvé. Nous ne sommes que dans la suspicion.

« Si tu te fais pincer, tu seras tenu pour seul responsable »

Personne ne dit que le dopage n’existe pas dans le rugby, mais il faut être très malin pour ne pas se faire prendre. Moi-même, dans ma jeunesse, j’aurais pu me laisser avoir. Des préparateurs physiques te proposent des trucs, tu ne sais pas ce que c’est. Mais on m’a toujours tellement mis en garde, y compris mes entraîneurs, que j’ai adopté une position de défiance maximale. On ne m’obligera pas à prendre une substance inconnue. Même quand les compléments alimentaires sont arrivés dans le milieu, j’étais réticent.

La règle la plus dangereuse, c’est que si tu te fais pincer, tu seras tenu pour seul responsable, notamment en équipe de France. En club, il peut arriver qu’il y ait des procédures à l’encontre de joueurs soupçonnés de dopage ou dopés : Eifion Lewis-Roberts à Toulon, Chiliboy Ralepelle à Toulouse. Des étrangers surtout. On les transfère, parfois même au beau milieu d’une saison. Mais bien sûr, le club ne va pas faire un communiqué de presse détaillé.

Ce qui est sûr, c’est que rien n’est avéré dans le rugby français. Ou plutôt, on ne sait pas. Ce que l’on peut dire sur le dopage, sans se tromper, c’est qu’il n’est pas organisé et n’est pas généralisé. Mais personne ne peut empêcher un mec de se charger.

 

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Rugby - Pourquoi est-il compliqué de faire son coming out#4 « Pourquoi est-il compliqué de faire son coming out » ?

« Il y a des homosexuels dans le rugby français, chez les dirigeants, chez les joueurs. Mais je ne connais pas d’homosexuels déclarés, à part le Gallois Gareth Thomas. Quand on a croisé Gareth sur un terrain, on n’imagine pas qu’il soit homo. En fait, personne n’aurait parié un centime sur la probabilité qu’il le soit. Ni Nigel Owens, l’arbitre, gallois lui aussi.

C’est un peu comme pour le dopage, n’est-ce pas ? Ça existe, mais on ne va pas s’en vanter. Les blagues sur les pédés vont bon train dans le rugby encore aujourd’hui. Concernant le sexe, d’une manière générale, nous respectons nos orientations. Nos fantasmes, on en parle. En ce qui me concerne, je n’ai jamais eu vraiment trop à en parler.

Les orientations sexuelles des gens, je m’en contrefous. Ça ne me pose aucun problème moral ni éthique.

Le mariage pour tous, je suis pour. Quand j’y réfléchis, je me dis que ça pourrait tout de même peut-être poser problème dans le jeu. Se déclarer publiquement homosexuel alors qu’on vit ensemble tous les jours à poil… Le rugby, c’est des étreintes, quelques confidences aussi, je pense que cela demanderait un temps d’adaptation pour tout le monde et chacun, inconsciemment ou pas, doit avoir ça à l’esprit. J’imagine que c’est l’une des raisons pour lesquelles il est compliqué de faire son coming out. »

Réagissez avec le compte Twitter du rugbyman masqué : @jesuislerm