«Vives les marié(e)s», titrait Libé, il y a un an pile. Le 23 avril 2013, après 5 000 amendements et 136 heures de débats enflammés dans l’hémicycle, la loi sur le mariage pour tous était adoptée par 331 députés. Dix s’étaient abstenus. Et 225 avaient voté contre, sans Hervé Guaino qui, pourtant furieusement opposé au mariage homo, s’était trompé de bouton, appuyant sur le «oui» dans un bel acte manqué…

Un an après, quel bilan ? Combien de mariages ? Les maires appliquent-ils la loi, les couples homos ont-ils encore du mal à faire valoir leur droit ?

7 000 mariages

Le ministère de la Justice ne donne pas de chiffre précis et récent. Selon le bilan démographique annuel de l’Insee, «environ» 7 000 mariages de couples du même sexe ont été célébrés en 2013, soit du 18 mai, date d’entrée en vigueur de la loi, jusqu’au 31 décembre. Un chiffre encore approximatif, insiste l’Insee, qui doit être affiné. Les maires ont l’obligation légale de faire remonter à la chancellerie le nombre de mariage célébrés, mais toutes les communes ne l’ont pas encore fait.

Les mariages homos représentent 3% des unions en France. Là encore, met en garde l’Insee, il faut être prudent : «Quand une nouvelle loi entre en vigueur, il y a toujours au début un effet de rattrapage. Ce serait étonnant que les chiffres restent sur la même tendance dans les prochains mois.»

Qui sont ces mariés de l’an I ?

Dans trois cas sur cinq, détaille l’Insee, les mariés sont des hommes. Ce qu’a constaté Patrick Bloche, l’ex-maire PS du XIe arrondissement de Paris. Fervent défenseur des unions de même sexe, Bloche s’était fixé comme défi personnel d’en célébrer «le plus possible». Il a tenu une bonne cadence, mariant 122 couples entre le 10 juin et le 12 avril, date à laquelle il a cédé son écharpe à un autre élu PS. L’ex-maire raconte également qu’il a marié peu de jeunes. «Souvent, ces couples avaient dix, vingt, trente-cinq ans de vie commune ! Oui, j’ai marié beaucoup de retraités.» Selon l’Insee, la moyenne d’âge des hommes mariés en 2013 est de 50 ans, et de 43 ans pour les femmes.

En 2013, un quart des mariages de personnes de même sexe ont été célébrés dans les villes de plus de 200 000 habitants (dont près de 14% à Paris), détaille l’Institut. Au 31 décembre 2013, 2 900 communes avaient déjà célébré au moins un mariage entre conjoints de même sexe.

Encore un noyau d’opposants

Au printemps dernier, à côté des violents débats à l’Assemblée, des milliers de sympathisants de la Manif pour tous défilaient dans les rues pour exiger le retrait de ce texte. Un an après, le collectif présidé par Ludovine de La Rochère, existe toujours. Tous les soirs ou presque, une poignée d’opposants continue de se retrouver dans le silence, place Vendôme à Paris, devant le ministère de la justice, en signe de contestation.

Dans le club des anti-mariage pour tous, on trouve aussi des maires. Certains, comme Jacques Bompart à Orange (Vaucluse), clamant que jamais de la vie, ils ne célébreraient un mariage entre deux personnes du même sexe. Leur casquette d’officier d’état civil ne leur laisse pourtant pas le choix, ils sont obligés d’appliquer la loi mais peuvent toujours déléguer leur mission à un conseiller municipal… Quatorze maires récalcitrants ont porté l’affaire devant le Conseil constitutionnel invoquant «leur clause de conscience»… Les Sages ont balayé l’argument d’un revers de main le 18 octobre. Fin février, ils ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

La Chancellerie rapporte une seule plainte visant le refus de célébration.

Le mariage… Toujours pas pour tous

Grosse gueule de bois au lendemain de l’adoption de la loi Taubira quand ils ont découvert que pour eux, le mariage n’était toujours pas possible. Certains couples binationaux ne peuvent toujours pas se marier. En cause : la circulaire du 29 mai, adressée aux maires pour préciser les conditions d’application de la loi qui indique que pour certaines nationalités, le droit du pays d’origine prime sur le droit français même si le mariage se déroule en France. Sont de fait privés de mariage : les ressortissants d’Algérie, du Maroc, de la Tunisie, du Cambodge, du Laos, de Pologne, de Slovénie, de Bosnie-Herzégovine, du Monténégro de Serbie et du Kosovo.

L’été dernier, face à la colère des associations, les ministères de la Justice et des Affaires étrangères avaient promis de régler la question… «Mais rien n’a bougé depuis», déplore Philippe Colomb, de l’association Ardhis, qui milite pour le droit des homosexuels à l’immigration. «Nous espérons désormais que la situation se débloque vite par la voie judiciaire.» Le cas de Dominique et Mohammed, un couple franco-marocain empêché de mariage, a été porté devant la Cour de cassation. «Ils ont gagné en première instance et en appel. Espérons que les juges leur donneront raison en cassation et prendront une décision de principe applicable à tous», dit-il, sans être en mesure de dire combien de couples binationaux sont ainsi privés de mariage. Dans une décision du 9 avril 2014 adressée à la Cour de cassation, le Défenseur des droits considère que refuser de célébrer un mariage à ces couples binationaux «revêt un caractère discriminatoire».


Cinq minutes de Christiane Taubira pour tous par liberation

Marie-Joëlle GROS et Marie PIQUEMAL