Versailles : un enfant trans assigné au dortoir des filles, la justice tranche sur le sexe, pas le genre

La Cour administrative d’appel de Versailles a confirmé, le 24 juin dernier, la décision de la commune de Puteaux (Hauts-de-Seine) d’héberger un enfant transgenre, Léo, dans un dortoir réservé aux filles, au nom du respect de la non-mixité imposée par la loi. Une affaire qui ravive le débat sur les droits des mineurs trans dans les structures collectives et sur l’adaptation du droit français à leurs réalités.

Né en 2010 de sexe féminin, Léo, suivi médicalement dans une consultation spécialisée à Paris, avait obtenu en avril 2022 la modification de son prénom à l’état civil. Lors de son inscription à un séjour de vacances organisé en 2023, la ville avait toutefois décidé de l’héberger dans le dortoir des filles, invoquant les règles de séparation entre filles et garçons.

Sa mère a contesté cette décision, estimant qu’elle portait atteinte à l’identité de genre de son fils, désormais connu sous un prénom masculin et engagé dans une transition. Elle s’appuyait notamment sur l’article R. 227-6 du Code de l’action sociale et des familles, qui impose la séparation des enfants de plus de six ans selon leur sexe dans les hébergements collectifs. Selon elle, cette distinction devait s’apprécier au regard du genre ressenti, et non seulement du sexe inscrit à l’état civil.

Dans son arrêt (n° 24VE02253), la cour a toutefois écarté cette interprétation. Les juges ont considéré que la règle visait le sexe légal, et non l’identité de genre. Ils relèvent qu’« il ressort des pièces du dossier, et notamment de son certificat de naissance ainsi que de sa carte nationale d’identité, que l’enfant de la requérante était de sexe féminin, quand bien même son prénom d’origine avait été remplacé ».

Cependant, la juridiction a également examiné la situation au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le respect de la vie privée et familiale. Elle rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 11 juillet 2002, Goodwin c. Royaume-Uni) considère que le droit de chacun à définir les contours de son identité personnelle constitue un élément essentiel de la vie privée, incluant le développement personnel et la protection de l’intégrité physique et morale.

La cour a constaté que la commune de Puteaux avait cherché des solutions pour permettre à Léo d’être hébergé dans le dortoir des garçons, mais sans parvenir à une issue concrète en raison de contraintes matérielles. Elle a donc écarté toute volonté discriminatoire de la part de la municipalité, estimant qu’aucune violation de la Convention européenne des droits de l’homme ne pouvait être retenue.

Cette décision s’inscrit dans un contexte où la France peine encore à adapter ses règles administratives aux parcours des personnes transgenres, en particulier les mineurs. Si la procédure de changement de prénom est aujourd’hui facilitée, la modification de la mention du sexe à l’état civil demeure distincte, souvent longue et complexe, même pour des jeunes bénéficiant d’un suivi médical.

Pour les associations LGBT+, cette affaire illustre les « angles morts » de la législation actuelle. Des juristes soulignent un retard préoccupant dans la prise en compte de l’identité de genre dans les politiques publiques, notamment en matière d’accueil collectif. En continuant de lier strictement la non-mixité au sexe déclaré à la naissance, sans tenir compte du vécu des personnes trans, la justice contribue, selon elles, à une forme d’invisibilisation institutionnelle. Pour nombre de militants, une réforme s’impose afin que l’identité de genre soit enfin reconnue comme un critère essentiel de respect et de protection dans ces structures.