Tribune. Homos : le silence ou la prison?

Un homme aime un homme. Une femme aime une femme. Une situation simple. Un amour beau, touchant. Un amour éphémère ou éternel, qui peut le savoir?

La seule chose que je sais est que cet amour est un crime dans plus de 70 pays à travers le monde. Oui, vous avez bien lu, dans plus de 70 pays l’homosexualité est un délit, un crime, pour lequel on enferme les personnes, on les lapide, on les tue. En 2015, c’est la réalité, une réalité incroyablement dramatique.

Depuis longtemps, l’ensemble des associations de défense des droits humains exige la dépénalisation universelle de l’homosexualité: une revendication aussi simplement exprimée qu’extrêmement compliquée à faire voter. C’est pour cela que la date du 15 juin 2011 a été considérée comme historique : à cette date, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies adoptait une résolution relative à la dénonciation des violations des droits humains fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Cette résolution est la première à soutenir les droits LGBT et surtout à condamner les actes homophobes, donc, de ce fait, l’ensemble des législations qui pénalise l’homosexualité.

Cette résolution, qui a fait naître un espoir immense, était une étape ou en tout cas devait l’être: a-t-elle été suivie d’effets?

Non, quand on regarde la situation dramatique en Afrique où plus des trois quarts des pays criminalisent l’homosexualité (donc passible d’emprisonnement jusqu’à la perpétuité), où la peine de mort est appliquée à l’encontre des homosexuels dans trois pays, où une véritable chasse à l’homme est organisée, une traque des homosexuels, au Nigeria, en Ouganda, en Egypte, au Cameroun et dans bien d’autres pays … Rappelons-ici les propos du vice-président du Kenya tenus il y a à peine quelques jours: “Il n’y a pas de place pour l’homosexualité [au Kenya]. Nous ne la tolérons pas […] car cela viole nos croyances religieuses et culturelles.”

Non, quand on voit qu’en Inde, la Cour suprême a rétabli la pénalisation de l’homosexualité. Dans la plus grande démocratie du monde…

Non, quand on ne peut que constater l’instauration par Poutine d’une véritable homophobie d’Etat en Russie via une loi de 2013 qui sanctionne la «propagande homosexuelle ». Une loi qui est malheureusement en résonnance avec une population où les discriminations à l’encontre des LGBT sont légitimées. D’après les dernières enquêtes d’opinion, 34% des personnes interrogées croient que l’homosexualité est une maladie, 49% préféreraient que l’on soigne les homosexuels soit psychologiquement, soit physiquement. 16% pensent qu’il faudrait les isoler, et 5% estiment que la solution serait de les “liquider” physiquement. Sans commentaire. J’étais à la première Gay pride en Russie en 2006, je peux témoigner de la violence et de l’incompréhension de très nombreux Russes à l’égard de l’homosexualité.

Clairement, la diplomatie française n’a pas le droit de rester les bras croisés devant cette situation dramatique et qui s’aggrave de jour en jour. La France se doit d’être leader dans ce combat car oui, les droits humains doivent quelques fois et heureusement dépasser les seuls intérêts économiques et financiers!

Et la France dans tout cela ? Après tout, nous sommes le pays des droits de l’homme, un pays où l’homosexualité a été dépénalisée il y a plus de 30 ans – seulement 30 ans devrais-je dire! -un pays où les couples de même sexe peuvent se marier. Donc tout va bien, tout irait bien?

Oui, si on n’évoque le fait pas que les actes homophobes ont augmenté de 78% en 2013, selon SOS Homophobie avec une agression physique tous les deux jours …
Oui, si l’on oublie le terrible déferlement homophobe qui a accompagné l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.
Oui, si on ne rappelle pas que 81% des LGBT (enquête de Sida info service) évoquent au moins une situation discriminante vécue dans un des domaines de la vie quotidienne (moqueries, dénigrements, injures, harcèlements, outing, agressions physiques).
Oui, si on ne dit pas que le taux de suicide chez les jeunes homosexuels est trois fois plus élevé que chez les jeunes hétérosexuels…
Oui, si l’on ne parle pas du déferlement homophobe constaté sur les réseaux sociaux. Dénigrements, insultes, appels aux meurtres, à la pendaison, à la lapidation, j’en suis victime comme tant d’autres. En tant que militant, cela m’atteint mais bien moins que beaucoup de jeunes…

J’affirme que l’homophobie véhiculée sur les réseaux sociaux doit être condamnée tout comme le racisme, l’antisémitisme et le sexisme doivent l’être fermement. A la même hauteur et avec la même sévérité.

Voilà la réalité en France aujourd’hui, dans une société qui se veut plus tolérante et plus ouverte.

Comprenons-nous bien: par mes propos, je ne souhaite pas dresser un parallèle entre la France et un pays criminalisant l’homosexualité. Je veux seulement dire que le combat pour les droits LGBT est un combat universel, un combat qui doit mêler répression étatique de l’homophobie, l’octroi d’un vrai statut de citoyen (comment accepter l’autre alors que l’Etat ne lui accorde pas le statut de citoyen à part entière ?) et une politique ambitieuse d’éducation à la tolérance.

Un combat nécessaire à porter. Espérons alors que des annonces seront faites pour cette Journée internationale de lutte contre l’homophobie. Des annonces à la hauteur du défi!

Sur France24, Jean-Luc Romero réagit à la décision de l’église protestante d’autoriser la bénédiction des couples homosexuels :

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Maire ajoint (PS) du XIIe, militant associatif, président d’Elus Locaux Contre le Sida
http://www.huffingtonpost.fr/jeanluc-romero/homos-le-silence-ou-la-pr_b_7290402.html