Suisse : Le don du sang par les hommes homosexuels bientôt autorisé, mais sous condition

L’exclusion systématique des hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes ne se justifie plus, indique lundi Transfusion CRS Suisse dans un communiqué. Dès janvier 2017, ceux-ci devraient pouvoir donner leur sang, à condition qu’ils n’aient pas eu de rapports dans les douze derniers mois.

« Nous ne sommes pas naïfs, reconnaît Rudolf Schwabe. Aucun homosexuel ne va rester abstinent durant un an juste pour pouvoir donner son sang. Mais il s’agit d’une première étape. »

Actuellement, les hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes depuis 1977 restent exclus du don du sang. Swissmedic, qui doit approuver les conditions d’admission au don, a jusqu’à présent refusé de changer les règles. Pour l’organisation suisse des gays Pink Cross, cette approche est discriminatoire.

« Cette exclusion, sans évaluation concrète des comportements à risque, participe à la stigmatisation des gays et entretient l’homophobie »

Ces dernières années, de nombreux pays comme les Etats-Unis, l’Italie ou la Grande-Bretagne ont assoupli les critères d’aptitude au don, fait valoir Transfusion CRS Suisse. En France, depuis ce printemps, le don de sang est ouvert aux hommes qui n’ont pas eu de relations homosexuelles depuis douze mois, après un questionnaire et un entretien.

Le Conseil fédéral s’était montré plutôt disposé à assouplir les conditions. Mais les services régionaux de transfusion sanguine sont l’unique garant de la sécurité et de la qualité, avait-il rappelé l’automne dernier.

A long terme, la Suisse doit aussi revoir sa pratique en la matière, estime Transfusion CRS Suisse, rattachée à la Croix-Rouge suisse. Une suspension du don de sang, temporaire et non plus définitive, ne serait prononcée que sur le comportement sexuel effectif du donneur, indépendamment de son orientation sexuelle.

L’élaboration de critères d’aptitude au don basés sur les risques est toutefois complexe et ceux-ci ne pourraient pas entrer en vigueur avant 2018, selon l’organisation. Pour autant que Swissmedic donne son accord.

Le sang des donneurs est toujours testé, notamment pour traquer le VIH ou les hépatites. Pour les patients, il reste toutefois un risque d’être infecté lors d’une transfusion. La « fenêtre diagnostique » constitue le noeud du problème. Si quelqu’un donne son sang peu après avoir été infecté au VIH, par exemple, aucun test disponible ne permet de détecter ce sang infecté.

Grâce aux nouveaux tests, cette fenêtre s’est raccourcie. Elle est désormais de maximum 7 jours pour le VIH et de 20 jours pour l’hépatite B.

Plus de souplesse pour les cellules souches

La situation est différente pour le don de cellules souches de sang. La pratique changera dès mercredi : on ne demandera plus aux hommes s’ils ont eu des rapports sexuels avec des hommes. Les critères seront basés uniquement sur les risques, annonce aussi Transfusion CRS Suisse.

Qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, le donneur sera classé dans un des quatre groupes de risque en fonction de son comportement sexuel. Seules seront exclues du don les personnes en catégorie « risque élevé », notamment celles s’étant injectées de la drogue en intraveineuse au cours des dix dernières années ou celles ayant eu plus de trois partenaires sexuels différents au cours des quatre derniers mois.

Dans le domaine, le mandat de Transfusion CRS Suisse se fonde sur la loi sur la transplantation. L’organisation peut donc définir les critères d’aptitude au don selon sa propre compétence et ses critères.

Ce premier pas – aussi timide soit-il – a une résonance particulière auprès de Pink Cross. « C’est une vraie avancée pour les droits des gays dans notre société », réagit Laurent Paccaud, coprésident de la Fédération suisse des gays. « Cela fait longtemps qu’on s’oppose à cette interdiction “a priori”. L’exclusion d’un pan entier de la société, sans évaluation concrète des comportements à risque, participe à la stigmatisation des hommes gays et entretient ainsi l’homophobie. » Il espère que Swissmedic suive le mouvement. « On attend deux choses de leur part : l’abolition définitive de cette exclusion, et une adaptation rapide des questionnaires pour les comportements à risque. »