Santé Lutte contre le VIH: faisons le point

Le visage de la maladie et les moyens de l’enrayer ont considérablement changé ces dernières années. «Remaides» et «360°» vous proposent un état des lieux et un aperçu des innovations récentes… et surtout de celles à venir.

Près de 6 personnes infectées par le VIH chaque jour, plus de 40 par semaine… Plus de 500 décès dus au sida par an, une dizaine par semaine… C’était en Suisse, en 1991-1992. Il y a 20 ans. Aujourd’hui ces chiffres catastrophiques paraissent bien loin de notre réalité. Mais où en sommes-nous exactement?

– Meurt-on encore du sida en Suisse?

– Triste record national, durant l’année 1994: 686 décès du sida ont été enregistrés en Suisse. En 1996, les traitements combinés antirétroviraux sont apparus et le nombre de décès liés au sida a progressivement décru, pour atteindre une quinzaine de cas estimés en 2011. Depuis l’apparition de l’épidémie au début des années 1980, près de 33 000 personnes ont été diagnostiquées séropositives en Suisse, et plus de 7000 d’entre elles n’y ont malheureusement pas survécu.

– Combien de nouveaux cas de VIH sont-ils détectés par année?

– En 2011, 564 personnes ont reçu un diagnostic de séropositivité en Suisse. Soit plus de 10 personnes par semaine. C’est encore trop, mais il s’agit du taux annuel le plus bas jamais connu dans notre pays. Et quatre fois moins qu’il y a 20 ans.

– Où découvre-t-on le plus de nouvelles infections?

– Sans surprise, dans les villes. Donc dans les cantons qui ont de larges centres urbains: à Genève (13,5 diagnostics pour 100 000 habitants en 2011), Zurich (11,8/100 000), puis dans les cantons de Vaud et de Bâle- Ville (10,4 et 9,7 pour 100 000 habitants). A Zurich, cela représentait 162 cas en 2011, soit plus de 3 diagnostics positifs par semaine. Par comparaison, les cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures et d’Obwald n’ont recensé que 12 cas … depuis 1985.

– Comment contracte-t-on le VIH?

– Presque exclusivement par des rapports sexuels. Hétéros à 44 %, entre hommes à 46 %. Moins de 5 % des contaminations ont lieu par injection de drogues. A l’échelle des cantons, des différences notables sont à relever. A Genève, moins de 27 % des transmissions ont eu lieu entre hommes en 2011, alors qu’à Zurich c’était près de 66 % du total des cas recensés. En Valais, une infection sur cinq (20 %) détectée en 2011 résulterait de l’usage de drogues par injection, contre 2,4 % des cas à Genève. Des cas d’infection par transfusion sanguine (5 en 2011) ont été diagnostiqués en Suisse mais se sont produits à l’étranger. De même, grâce aux procédures de prévention des transmissions du VIH de la mère à l’enfant, celles-ci ne se produisent plus en Suisse lorsque la séropositivité de la mère est connue avant la naissance.

– Alors, l’épidémie du VIH en Suisse est-elle en baisse, en hausse, ou stable?

– Entre 2008 et 2011, le nombre de nouveaux diagnostics positifs a connu une baisse progressive: nous sommes passés de 767 cas détectés à 658, puis 607 et enfin 564 l’an dernier (elle semble remonter, cette année, à plus de 600 cas, ndlr.). Mais la Suisse se trouve encore proportionnellement dans une moyenne sensiblement élevée par rapport à ses voisins européens (voir graphique en page 24). Les chiffres épidémiologiques pour 2012 seront prochainement communiqués par l’Office fédéral de la santé publique.

Les trithérapies se multiplient

Depuis 1996 où les trithérapies (dont le principe est la combinaison de trois différentes molécules qui agissent sur la multiplication du virus) ont remplacé les monothérapies à l’AZT, la qualité et l’espérance de vie des personnes séropositives se sont fortement améliorées.

Des études récentes (Rapport Yeni 2010) montrent que l’espérance de vie d’un patient séropositif prenant son premier traitement en 2012 sera à peu de chose près semblable à celle de la population générale, pour autant que son traitement soit pris lorsque qu’il a au moins 350 CD4/mm3 (récepteurs utilisés par le VIH pour infecter ses cellules cibles). L’impact de la précocité du dépistage et du premier traitement sont désormais des facteurs de longévité reconnus.

À vie
Les trithérapies actuelles sont de plus en plus efficaces, sont moins contraignantes, diminuent fortement les effets secondaires et permettent d’être adaptées à chaque cas particulier. Néanmoins, le traitement d’une personne séropositive n’est que très difficilement modifiable, et sur la base des connaissances scientifiques actuelles, doit se poursuivre au long de toute sa vie. Une personne prenant 18 pilules par jour ne pourra que difficilement réduire l’ampleur de son traitement tant les combinaisons sont précises et uniques. Les médecins traitants éprouvent eux-mêmes de l’appréhension à modifier les combinaisons qui fonctionnent efficacement sur leurs patients.

Les traitements protègent tout le monde

C’est désormais une certitude, les trithérapies empêchent la transmission du virus.

En décembre 2007, le Pr Bernard Hirschel annonce qu’une personne sous traitement efficace depuis au moins 6 mois, en l’absence d’IST, ne peut plus transmettre le virus à son partenaire. La Commission fédérale pour les problèmes liés au sida (CFPS) confirme cette annonce le 22 septembre 2010. Les réservoirs de virus sont si faibles dans le sang qu’ils en deviennent indétectables. Le traitement semble même être plus fiable en offrant une meilleure protection dans certains cas qu’une utilisation basique du préservatif.

Ces «recommandations suisses» comme elles ont été appelées à travers le monde, après avoir créé un tollé, ont été reprises par de nombreux pays (Allemagne, France, Australie). Des études complémentaires se poursuivent et indiquent qu’une virémie indétectable grâce à un traitement efficace suffirait à annihiler le risque de transmission, partenaire stable ou occasionnel, rapport homosexuel ou hétérosexuel.

«Armes vivantes»
Cette déclaration a été accueillie avec soulagement par les personnes séropositives mais également par les associations actives dans le domaine de la prévention, les personnes séropositives n’étant plus considérées potentiellement comme des «armes vivantes», mais comme des personnes pouvant maitriser leur santé et celles de leurs proches. Cinq ans après, peu sont celles et ceux qui doutent des conséquences positives de cette avancée scientifique, non seulement pour les personnes séropositives mais également en termes de santé publique.

La révolution est telle que la stratégie du Treatment as Prevention (TasP) semble devenir de plus en plus TisP (Treatment is Prevention) soulevant la colère de certaines personnes vivant avec le VIH. Celles-ci se verraient ainsi contrainte au nom de la santé publique à suivre un traitement de manière précoce.

Vers la simplification des traitements

Que cela soit aujourd’hui ou demain l’objectif est de rendre les protocoles médicamenteux les moins lourds possible.

L’image que tout un chacun a des trithérapies est souvent celle d’une boîte à pilules remplie à ras-bord. Cette image est bel et bien révolue depuis plusieurs années. Les laboratoires pharmaceutiques s’unissent, comme dans le cadre de l’Atripla, pour créer des assemblages qui permettent aux séropositifs de ne prendre qu’un seul médicament par jour. De nouveaux médicaments du même type devraient être commercialisés en 2013 en Suisse (Eviplera ou Quad). Malheureusement, ces médicaments sont des assemblages de molécules spécifiques et uniques. Seule une minorité des personnes sous traitement peuvent y prétendre.

Après-après demain, guérir du sida

Si l’on n’a jamais été aussi proche de vaincre le VIH, la route est encore longue.

Les traitements sont devenus de plus en plus en pointus. La guérison ou la rémission du VIH semblent être à portée de main. Françoise Barré- Sinoussi, Prix Nobel de médecine pour sa découverte du VIH et actuelle présidente de l’International Aids Society basée à Genève, promet une nouvelle stratégie scientifique globale pour trouver une cure au VIH: Towards an HIV Cure.

La route est néanmoins très longue. Le remède au VIH se heurte à trois barrières scientifiques majeures: les cellules réservoirs où le virus reste comme endormi, les réplications résiduelles (les trithérapies ne font disparaître le virus qu’à 99.9 %) et la résistance des organes soumis aux traitements (intestin, foie, etc.) Dans la communauté scientifique, le scepticisme règne: créer de nouveaux types de médicaments ou traitements pour guérir du sida risquerait de compromettre la santé des personnes séropositives qui semble maîtrisée grâce aux avancées des trithérapies.

Une des autres pistes actuellement étudiées est la recherche d’un vaccin préventif qui serait inoculé à la population séronégative et qui la protégerait du virus. Là encore, la route est longue au vu des difficultés actuelles à obtenir des anticorps neutralisant le virus.

source:http://360.ch/blog/magazine/2012/12/lutte-contre-le-vih-sida-le-point/