Alors que revient au Parlement la proposition de loi visant à réparer les condamnations pénales pour homosexualité entre 1942 et 1982, l’Association pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité (ADUH) et STOP homophobie appellent à une approche cohérente, articulant mémoire, droit et responsabilité de l’État.
Au cœur des discussions, un point cristallise l’attention : faut-il créer un délit spécifique sanctionnant la contestation de la déportation des personnes homosexuelles pendant la Seconde Guerre mondiale ? Les deux organisations rappellent que le droit français punit déjà la contestation des crimes contre l’humanité, y compris les déportations d’homosexuels, via l’article 24 bis de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Une jurisprudence de la Cour d’appel de Paris, rendue en 2015, l’a d’ailleurs confirmé. Si le tribunal correctionnel de Paris a adopté en 2025 une lecture beaucoup plus restrictive dans l’affaire Zemmour, les associations dénoncent une interprétation « erronée » et mise en contradiction avec les textes comme avec les débats parlementaires récents. L’affaire est désormais entre les mains de la cour d’appel.
Au-delà de ce débat pénal, l’ADUH et STOP homophobie appellent à reconnaître clairement la responsabilité de l’État français dans le maintien, pendant quarante ans, de textes discriminatoires visant les relations homosexuelles. De l’ordonnance de 1942, prise sous Vichy, jusqu’à l’abrogation complète en 1982, ces dispositions ont produit des milliers de condamnations, souvent assorties d’emprisonnements, d’amendes et de fichages, avec des conséquences majeures sur les parcours de vie des personnes concernées.
Les associations soulignent que cette responsabilité peut être examinée sur plusieurs fondements juridiques. D’une part, la Constitution, et notamment le principe de dignité, permettrait d’évaluer la conformité des textes pénalisant les relations homosexuelles, y compris via la procédure de question prioritaire de constitutionnalité. D’autre part, la France ayant ratifié la Convention européenne des droits de l’homme en 1974, son maintien d’une incrimination spécifique de l’homosexualité après cette date apparaît difficilement conciliable avec la jurisprudence de la Cour européenne, qui condamne ce type de législation depuis l’arrêt Dudgeon rendu contre le Royaume-Uni en 1981.
Même si la voie de l’indemnisation financière est limitée par la prescription, ADUH et STOP homophobie plaident pour un dispositif de réparation complet. Il passerait par une reconnaissance politique claire de la faute législative, l’effacement des condamnations, des politiques mémorielles renforcées, ainsi que des excuses officielles. Une indemnisation ciblée, destinée aux personnes encore en vie, pourrait également être envisagée lorsque le cadre juridique le permet.
Les deux organisations insistent enfin sur la complémentarité entre le travail législatif et le terrain contentieux. Un recours en responsabilité de l’État devant le Conseil d’État doit être déposé, avec pour objectif d’obtenir une reconnaissance juridictionnelle de la faute et de sécuriser, sur le plan juridique, les mesures de réparation que pourrait voter le Parlement.
Alors que plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Espagne, ont déjà adopté des dispositifs de réparation pour les personnes condamnées en raison de leur homosexualité, les associations françaises appellent à « ne pas rester en retrait ». Pour elles, reconnaître la réalité de ces violences institutionnelles et la responsabilité de l’État constitue un geste nécessaire, à la fois pour les survivants et pour la mémoire collective.















