Reportage : Le rêve néerlandais des migrants homosexuels à l’épreuve des camps pour demandeurs d’asile

Syrien homosexuel de 20 ans, Omar a demandé l’asile aux Pays-Bas après avoir vu des images de la célèbre Gay Pride d’Amsterdam. Une fois arrivé, son rêve néerlandais a bien failli s’écrouler face aux harcèlements de ses compagnons de fortune. Si les Pays-Bas sont le premier pays au monde à avoir légalisé le mariage entre personnes du même sexe, en 2001, « l’acceptation de la diversité sexuelle n’est pas la norme dans leurs centres pour demandeurs d’asile », dénoncent les ONG de défense des homosexuels.

« Arriver aux Pays-Bas, le pays de la liberté d’expression, et être harcelé en tant que gay, c’était complètement fou », regrette Omar. « J’étais surpris que ces gens, après avoir traversé tout ce qu’ils ont traversé, soient capables de me harceler pour cela », s’étonne ce Syrien qui a atteint la Grèce en bateau avant de rejoindre les Pays-Bas, en septembre, grâce à un faux passeport espagnol. Svelte, cheveux impeccablement coiffés, il raconte avoir choisi de se rendre aux Pays-Bas après s’être renseigné sur Internet : « J’ai lu des articles disant que les Pays-Bas étaient très tolérants envers les homosexuels et qu’Amsterdam était la capitale de la communauté LGBT. »
Mais la situation est différente dans les camps pour demandeurs d’asile, déplore celui qui a fui la guerre et l’intolérance. « On menaçait de me tuer, on me disait que j’étais la honte des réfugiés, on me bousculait pour me dépasser dans les files », soupire ce natif de Damas issu d’une famille aisée. Les écouteurs dans les oreilles, le plus souvent possible dans sa chambre, il évitait la compagnie d’autres demandeurs d’asile. « J’ai de la chance de ne pas avoir été agressé physiquement », assure le jeune homme, qui a finalement trouvé refuge chez Lianda, une enseignante néerlandaise lesbienne de 25 ans, qui lui a offert un toit.

Refuges

Selon l’association de défense des droits des homosexuels COC, les violences contre certains migrants gays ont été jusqu’aux agressions sexuelles. Apeurés, isolés, certains n’osent plus sortir de leur chambre. Le quotidien néerlandais AD a, lui, évoqué des vêtements brûlés ou des lits souillés d’excréments et de nourriture. Selon le journal, un migrant homosexuel a dormi une semaine dans les bois par peur de retourner dans sa chambre. Comme Omar, ce dernier aurait finalement été hébergé par un Néerlandais. L’association Secret Garden assure que deux migrants homosexuels ont tenté de se suicider.
COC dit avoir collecté 14 plaintes de mi-octobre à fin décembre, alors que l’association n’en recevait auparavant qu’une ou deux « tous les quelques mois ». « Nous redoutons que ce ne soit que la partie visible de l’iceberg », explique le directeur, Koen Van Dijk, soulignant que la plupart des migrants homosexuels ne portent pas plainte, par peur de représailles ou ne sachant pas vers qui se tourner. « Je crois que les LGBT fuient vers n’importe quel endroit plus sûr que leur pays, mais s’ils viennent aux Pays-Bas, ils s’attendent évidemment à un pays sûr et accueillant envers eux », dit-il.
Face à ces problèmes, la municipalité d’Amsterdam a mis à disposition, d’octobre à décembre, deux maisons « refuges » pour une dizaine de migrants homosexuels, une mesure « d’urgence » et « exceptionnelle » pour une situation « qui l’était tout autant », selon une porte-parole. Amsterdam se dit prête à mettre en place d’autres « solutions sur mesure » si nécessaire. Et l’association COC prône l’ouverture d’autres maisons de ce type, même si elles ne peuvent constituer une solution permanente, selon elle.

Vulnérables

Les homosexuels qui avaient été hébergés dans ces refuges temporaires ont désormais rejoint des centres pour demandeurs d’asile plus adaptés. Cinq d’entre eux sont par exemple installés dans une aile séparée d’un centre plus petit – il compte 350 places, contre 6 700 pour le précédent – dans lequel il est plus facile d’observer et contrôler d’éventuels abus.
L’organisation qui gère l’accueil des demandeurs d’asile aux Pays-Bas, le COA, tente de son côté de sensibiliser les demandeurs d’asile à la tolérance et dit infliger des sanctions en cas de harcèlement. Dans les cas les plus graves, la police est appelée, indique l’organisation, en soulignant que d’autres groupes « vulnérables » peuplent les centres pour demandeurs d’asile, comme les femmes battues, les victimes de trafic d’êtres humains et les enfants.
Omar estime que seul un permis de séjour lui permettra d’entamer la nouvelle vie espérée et de reprendre ses études de droit. En attendant, il a trouvé auprès de nouveaux amis une partie de ce qu’il cherchait : « Je voulais rencontrer des gens qui m’accepteraient tel que je suis, j’ai finalement pu les rencontrer. Savoir que l’on peut se promener main dans la main dans la rue avec son copain sans craindre la réaction des gens, c’est fantastique ! »

Nicolas DELAUNAY/AFP