Quand les transsexuels ont des projets parentaux…

>> L’Académie de médecine vient de répondre à une question sur la conservation des gamètes par les personnes qui changent de sexe et qui voudraient des enfants.

La reproduction est désormais un sujet extrêmement complexe. Grâce aux progrès de la médecine, des couples qui n’auraient jamais pu devenir parents “naturellement” ont diverses possibilités pour réussir à avoir des enfants. Et toutes ces avancées génèrent des demandes qui étaient impossibles à envisager il y a peu. Comme celle soumise en juillet dernier à l’Académie nationale de médecine par le défenseur des droits. Elle concerne “des personnes transsexuelles qui souhaitent procéder à une auto-conservation de leurs gamètes (spermatozoïdes et ovules, NDLR) pour éventuellement pouvoir les réutiliser après leur transition dans un projet de parentalité de couple”.

Considérant que cette question “soulevait des interrogations liées à la problématique de l’assistance médicale à la procréation (AMP) et aux nouvelles demandes de la société allant au-delà des raisons médicales prévues par les textes de loi”, le défenseur des droits souhaitait donc que les Sages mènent une réflexion sur le rôle de la médecine concernant ce type de demandes qui ne sont pas liées à une maladie. La réponse a été rendue jeudi matin.

Exclure l’ablation des testicules et de l’utérus

Tout d’abord, l’Académie estime que les demandes de préservation de la fertilité des personnes recevant des traitements médicaux pour changer de sexe sont certes peu nombreuses, mais qu’elles doivent être prises en considération. Selon ses conclusions, les transsexuels doivent être informés des conséquences des traitements médicaux qu’ils reçoivent sur leur fertilité. En cas de projet parental éventuel, la prise en charge médicale des parcours de transition devrait exclure des actes de stérilisation chirurgicale (ablation soit des testicules, soit des ovaires et de l’utérus) et devrait favoriser des traitements hormonaux compatibles avec une réversibilité de la production de gamètes. Dans ces conditions, il n’y a évidemment pas d’indication médicale à procéder à une auto-conservation de gamètes ou de tissus capables de les produire chez les personnes transsexuelles. Qui plus est, la législation française actuelle ne permet pas leur utilisation dans ces conditions.

“En cas de demande de cryopréservation de gamètes ou de tissus germinaux, le type de projet parental envisagé devrait être évoqué avec les intéressés sans ignorer les incohérences pouvant se manifester entre identité de la personne, identité parentale et identité procréative”, écrit l’Académie. Elle ajoute que “ce projet ne saurait ignorer ces conséquences pour le bien-être de l’enfant”. Il est logique que les intérêts de ce dernier soient pris en compte, comme dans l’ensemble des actes d’assistance médicale à la procréation.

Les Sages soulignent l’absence presque totale de connaissances et les incertitudes existantes concernant le développement et le vécu des enfants et des adolescents conçus par des parents ayant changé de sexe ou de genre. Ils insistent donc sur la nécessité de réaliser des recherches dans ce domaine. Ils estiment néanmoins que, si les demandes de conservation de gamètes et/ou de tissus germinaux avant un traitement potentiellement stérilisant ne peuvent être refusées par principe, elles ne peuvent non plus être réalisées automatiquement. C’est, selon eux, finalement le médecin qui doit prendre la décision au cas par cas.

Par Anne Jeanblanc
lepoint.fr