Projet de loi sur le mariage gay : la tension monte avant les ultimes arbitrages

La tension monte autour du projet de loi sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux homosexuels, alors que les arbitrages sur le contenu du texte, qui doit être présenté en conseil des ministres le 31 octobre, sont imminents. Deux visions s’affrontent : celle de la garde des sceaux Christiane Taubira, qui souhaite s’en tenir au strict respect de la promesse de campagne de François Hollande, et celle de la ministre de la famille, Dominique Bertinotti, favorable à une réforme plus large des conditions d’exercice de la parentalité.

La ligne de Mme Taubira, jugée “a minima” par les associations de défense des homosexuels, semble en passe de l’emporter. Dans une lettre adressée au premier ministre, jeudi 4 octobre, l’Inter-LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans), principal interlocuteur du gouvernement, met en garde contre une loi qui “délaisserait la grande majorité des familles homoparentales, actuelles ou en devenir”.

“Il ne peut s’agir d’en rester au symbole et de masquer le fond de la question des nouvelles familles par une nuée de confettis […], écrit le porte-parole de l’Inter-LGBT, Nicolas Gougain. L’homoparentalité n’est qu’une des manifestations des mutations profondes de la société française en matière de famille. Elle met au jour l’obsolescence du droit français [qui est] foncièrement inadapté aux nouveaux modes de vie des Françaises et des Français.”

Dès le 11 septembre, Mme Taubira a annoncé sa ligne dans un entretien à La Croix : le gouvernement rendra possible le mariage des homosexuels, leur autorisant de ce fait l’adoption plénière d’un enfant abandonné, ou l’adoption simple de l’enfant du conjoint. Dans le magazine Têtu d’octobre, elle confirme : “La question de la parentalité au sens plus large intéresse les familles quel que soit leur statut et elle emporte des conséquences juridiques bien plus nombreuses (…). Je pense que ces questions peuvent être séparées pour se donner davantage de temps.”

Ce n’est pas l’opinion de la ministre de la famille, Dominique Bertinotti, qui répète depuis début septembre que “tout est en débat”. “La valeur famille n’a jamais été autant valorisée, mais nos concitoyens entendent choisir comment ils font famille, confiait-elle récemment au Monde. Aujourd’hui, un enfant sur deux naît hors mariage. Nous avons l’occasion d’adapter notre code civil à une évolution sociétale profonde.” Mais Mme Bertinotti a cessé de s’exprimer publiquement depuis plusieurs jours.

FORTE OPPOSITION
L’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de lesbiennes est le principal sujet de débat. M. Hollande s’y était engagé pendant la campagne électorale, au nom de la “justice”. En outre, les Françaises y ont recours en Belgique ou en Espagne. Mais cette évolution qui, selon ses opposants, permet aux lesbiennes d’évincer le géniteur masculin du processus procréatif, suscite une forte opposition.

D’autres sujets ont été mis sur la table durant les auditions menées par les deux ministres. Que faire des enfants nés de mères porteuses à l’étranger, qui n’ont aujourd’hui pas d’état-civil ? Faut-il ouvrir le droit à l’adoption aux couples pacsés et concubins, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels ? Ces derniers doivent-ils pouvoir faire reconnaître leurs liens de filiation comme les hétérosexuels, par une présomption de parenté (au sein du mariage) ou une reconnaissance en mairie (s’ils ne sont pas mariés) ? Le statut du tiers (beau-parent, coparent) pourrait-il voir le jour ?

Le gouvernement est pris entre deux feux. Car face à ces demandes, les opposants dénoncent un débat tranché d’avance en faveur du mariage gay. Jeudi 4 octobre, Christine Boutin a déclaré redouter une reconnaissance de la polygamie en France dans la foulée du mariage homosexuel. La veille, le maire (UMP) du 8e arrondissement de Paris avait déclenché un tollé en écrivant dans son bulletin municipal que l’ouverture du mariage aux homosexuels ferait tomber “d’autres tabous”, comme la polygamie, l’inceste et la pédophilie. Ces propos ont été condamnés à gauche et à droite, à la fois par Jean-François Copé et François Fillon, pour qui “ils n’ont pas leur place dans le débat”.

Source : http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/10/05/projet-de-loi-sur-le-mariage-gay-la-tension-monte-avant-les-ultimes-arbitrages_1770765_3224.html