Portrait de Laurent Paccaud, coprésident de Pink Cross : Du coming out au militantisme, le chemin s’est imposé !

La Confédération helvétique se traîne au 31e rang du continent en matière de droits pour les personnes LGBTI au baromètre de l’association Ilga Europe. « Ce n’est pas vraiment étonnant, tout reste à faire en matière de mariage pour tous, d’adoption pour les couples de même sexe ou de condamnation des propos homophobes », explique Laurent Paccaud.

Elu début avril coprésident de Pink Cross, la fédération suisse des gays, ce Vaudois de 27 ans sera désormais « la voix romande » de la plus influente organisation de défense des droits civiques et d’entraide pour les homosexuels du pays.

Laurent Paccaud semble avoir l’étoffe du job : la force militante, la capacité de réflexion et l’envie de convaincre avec pédagogie. Son élection à la tête de la fédération – avec le Bernois Michel Rudin – apparaît comme une suite logique. Il y a sept ans, le jeune homme faisait son coming out. Une volonté d’« être vrai et de ne pas mentir », pas plus à son entourage qu’au reste du monde. Une annonce qui exigeait d’autant plus de courage qu’il était alors un judoka de niveau national. L’homosexualité reste encore largement taboue dans le sport. Laurent Paccaud étudie cette réalité dans sa thèse, consacrée à l’homophobie dans le sport, à l’Université de Lausanne. En 2014, tout s’enchaîne: le natif de Dompierre, village des hauts de Lucens, part s’établir à Berne avec son ami, Bruno; il témoigne dans L’Illustré; l’Association suisse des services des sports (ASSS) lui demande de rédiger une brochure contre l’homophobie. C’est là qu’il rencontrera les militants de Pink Cross.

Du coming out au militantisme, le chemin s’est imposé: « J’ai ressenti la nécessité de me battre contre les injustices sociales, c’est devenu peu à peu une priorité. » Il travaille maintenant à une thèse de doctorat sur la construction des identités de genre dans les cas de limitations physiques, comme le handicap, avec le sport comme cadre d’étude. « Cette recherche vise à donner des outils aux éducateurs et aux éducatrices ou aux enseignants et aux enseignantes pour leurs interventions », dit-il. Ses rôles de militant et de chercheur « s’imbriquent, cela constitue même un devoir moral ». Résidant à Berne et travaillant à Lausanne, ce parfait bilingue se dit « emprunté face au Röstigraben. En Suisse, le fossé ville-campagne est beaucoup plus important. »

L’agenda de la cause LGBTI s’annonce chargé ces prochaines années. Outre les grands combats politiques comme le mariage pour tous et l’adoption, Pink Cross projette d’établir une antenne de signalement de la violence homophobe : « Une nécessité, explique le nouveau coprésident. On sait que cette réalité existe, mais on manque de chiffres pour l’appréhender. » Une campagne contre l’homophobie et la transphobie va être lancée sur Internet et dans les écoles. « Un travail fondamental », estime Laurent Paccaud, « l’école est un lieu où l’homophobie peut s’exprimer de manière très violente. On sait que les écoliers homosexuels font quatre à cinq fois plus de tentatives de suicide que les autres. » Une autre priorité sera de lutter pour la reconnaissance de l’homosexualité comme motif d’asile : « Des personnes risquent la peine de mort dans dix pays du monde. »

La majorité de ces combats sera menée avec les autres associations de défense LGBTI. Leur groupement, baptisé Pro Equitate, sort d’une victoire nationale avec le rejet de l’initiative du PDC qui voulait entériner dans la Constitution une définition du mariage comme étant strictement « l’union d’un homme et d’une femme ». Pink Cross, avec ses 2000 adhérents individuels, ses 53 associations affiliées et son secrétariat professionnel, apparaît comme le fer de lance de ce combat. Laurent Paccaud se veut optimiste: « La vision libérale qui implique des droits égaux pour tout le monde progresse en Suisse, même si des minorités s’y opposent. Nous sommes à un tournant pour l’obtention de ces droits, ces prochaines années seront cruciales. » Affilié à la Jeunesse socialiste (Juso), Laurent Paccaud ne fait pas de politique active. Des ambitions? « Pas encore », dit-il. Son emploi du temps risque d’être assez chargé comme ça dans l’immédiat.

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