Opposition au mariage gay : pourquoi Marine Le Pen n’ira pas manifester

C’est non. Marine Le Pen n’ira pas manifester le 13 janvier contre le mariage homosexuel. La présidente du Front national l’a annoncé vendredi dans un communiqué, tout en affirmant que son parti était opposé «au mariage, à l’adoption et la PMA (procréation médicalement assistée)».

Par conséquent, elle «soutient les élus, militants, sympathisants» du parti d’extrême droite «qui entendent se joindre à cette manifestation.»

La position du parti devait être définie lundi en bureau politique, mais Marine Le Pen a pris les devants avec un argumentaire qui ménage la chèvre et le chou. Avec cette posture, elle rejoint celle adoptée par le numéro 2 du parti, Florian Philippot. Sur Europe 1 le 1er janvier, il avait déclaré qu’à titre personnel, il n’irait pas défiler dans les rues. En revanche, elle s’oppose de fait à Louis Aliot, autre cadre du parti, qui est par ailleurs son compagnon. Ce dernier avait affirmé sur LCI le 20 décembre qu’il défilerait contre le projet de loi.

L’hebdo Minute parle d’un «lobby gay au FN»

Faut-il y voir une scission au FN sur la question du mariage gay ? Marine Le Pen justifie sa démarche par le fait qu’elle ne veut pas participer «à ce qui est devenu une grossière tentative de récupération politicienne et d’enfumage sociétal de la part de l’UMP et du PS ; celle-ci visant à détourner l’attention des Français des questions urgentes que sont la sécurité, la prospérité et la défense de l’identité.» Un discours copié-collé sur celui de Florian Philippot quelques jours plus tôt.

Plusieurs observateurs laissent entendre qu’en réalité, le parti est profondément divisé sur la question, entre les militants historiques, ouvertement hostiles, et les proches de Marine Le Pen. Dans son numéro de rentrée, le journal d’extrême-droite Minute n’y va pas par quatre chemins et titre : «Question taboue – Existe-t-il un lobby gay au FN ?» Dans son dossier, l’hebdo n’hésite pas à écrire en intertitre que «les gays de la Marine ont la main sur l’appareil.»

Une dissension qui ne semble pas être un mystère à droite. Pendant que Florian Philippot s’exprimait le premier jour de l’année sur les ondes, Christine Boutin, la présidente du Parti chrétien-démocrate, l’une des premières opposantes au mariage homosexuel, évoquait sur Twitter les avis divergents aux FN sur la question.

@christineboutin :

“Non @ M.Philippot #FN vous n’êtes pas unanimes contre la #MariageGay d’où votre embarras sur #Europe1 ce matin !” (2 jan)

Pour Nicolas Lebourg, la situation est claire : «Le FN a un problème avec la question gay». Dans une interview aux Inrocks, l’historien spécialiste de l’extrême-droite, co-auteur du livre « Dans l’ombre des Le Pen. Une histoire des numéros 2 du FN» (avec Joseph Beauregard, Nouveau Monde Éditions, novembre 2012), explique qu’«au sein du FN, des cadres accusent les gays de constituer un lobby, une hiérarchie parallèle.»

Selon lui, «Marine Le Pen, c’est le phénomène Dalida, elle est adulée par un encadrement gay (…) Ils sont capables de travailler de manière inconditionnelle pour elle. Elle est très valorisée par cette petite troupe. Apparemment il y a une lutte affective pour elle, son groupe essaye de la monopoliser affectivement, de la séparer de son père et de Louis Alliot.»

En s’opposant au mariage homo, le FN «n’a que des coups à prendre»

Pour prendre la tête du parti, la fille du fondateur du FN semble s’être appuyée sur la communauté homosexuelle. Dans son livre «Pourquoi les gays sont passés à droite» (Seuil, 2012) dont Slate.fr a publié des extraits en février 2012, Didier Lestrade, journaliste et co-fondateur d’Act Up, estimait : « Marine Le Pen drague les gays, elle leur fait de l’oeil pour les attirer sur le terrain de la critique de l’islam parce que le Front national sent très bien que certains homos peuvent se sentir menacés par cette religion.»

Enfin, si Marine Le Pen ne veut pas prendre une position trop tranchée, c’est qu’«il n’y a que des coups à prendre pour le FN en se lançant dans ce débat», poursuit Nicolas Lebourg dans les Inrocks. «Le FN ne va pas marquer des points sur l’homophobie, sa martingale c’est l’anti-immigration. Ils ne vont pas faire de la politique sur une demande sociale homophobe car il n’y a pas la clientèle politique pour ça.»

Par Sébastien Lernould