Mariage pour tous : le jour où j’ai rencontré l’homophobie

LE PLUS. L’homophobie, Nana Marpesia l’a croisée il y a peu, quand elle a rencontré celle qui est aujourd’hui sa compagne. Alors que le débat sur le mariage pour tous fait rage, elle a décidé de raconter son histoire, celle d’une femme qui jusqu’alors aimait les hommes et qui a vu le regard de son entourage changer sur elle.

Je suis une femme. Au-delà de mes expériences homosexuelles d’adolescente en découverte de mon corps et de mon identité, je n’ai fréquenté que des hommes. De ce fait, je suis hétérosexuelle. Des histoires longues, courtes, coups d’un soir ou coups durs, de belles histoires. Toujours avec des hommes.

le jour ou j-ai rencontre l-homophobieIl y a un mois, je l’ai rencontrée. Je l’ai trouvée belle, pas comme une fille qu’on trouve jolie, pas comme une rivale dont j’aurais débattu le physique avec mes copines. Elle était objet de désir. Entre nous, une alchimie très forte. Deux aimants, attirés physiquement et psychiquement. Une évidence.

Et puis sont venus les baisers, les gestes tendres en public et avec eux, les regards. Alors j’ai réalisé que jamais je n’avais vu de couples homosexuels s’enlacer, s’embrasser. Pourquoi ne s’affichent-ils pas ? Parce qu’ils ont peur d’être regardés de travers, jugés, marginalisés ? Pour arriver à se contenir lorsqu’on a une furieuse envie de s’embrasser, il faut être sacrement mal à l’aise. C’est parfois si impulsif et pressant.

Et puis ont commencé les débats autour du mariage homosexuel, les propos homophobes, les discussions enflammées autour de ces unions se sont invitées à mes dîners en famille. Des articles ont quotidiennement pollué ma boite mail, des prospectus et des pancartes se sont retrouvés sur la table de la salle à manger, laissés par mes parents au retour de la manifestation du 17 novembre. C’était là l’illustration de leur engagement.

Je ne m’étais jamais demandée quelle était leur opinion sur le sujet. Comment ils réagiraient si un de leurs enfants était homosexuel. Je sais maintenant que si mon père aurait été ému de me mener à mon futur mari le long de l’allée, il en serait demain gêné et énervé si ce mari était une femme. Je sais que si ma mère avait hier hâte de voir grandir ses petits enfants, elle aurait demain du mal à reconnaître les miens, leur filiation, leur seconde mère. Ses parents à elle ? Fiers d’être homophobes !

Alors, est-ce que ça ne sera toujours que nous deux ? Seules contre tous ? J’ai besoin de ma famille. Et elle de la sienne. Ils nous ont faites, façonnées, élevées, nous connaissent et nous aiment. Ou peut-être que non. S’ils nous connaissaient, leurs propos seraient-ils aussi sévères ?

Devrais-je ne me contenter que des personnes qui m’acceptent – moi avec elle – en guise de famille ? Serais-je condamnée, si je veux m’afficher en toute liberté, aux bars et boites gays et aux vacances en Israël ? Je réalise aujourd’hui ce qui a dû torturer et torture encore des milliers d’homosexuels.

Cette histoire naissante et pleine de promesses me fait peur. J’ai peur d’être avec une femme dans une société si virulente et violente à l’égard des homosexuels. Violente à mon encontre. Même mon corps me le fait sentir. Je ne sais pas encore si je souhaite me marier, avoir des enfants. Il est trop tôt pour le savoir, trop tôt pour le vouloir. Je me demande néanmoins si je le pourrai un jour.

Vais-je me sentir libre d’aimer, d’être aimée, de m’engager ? Mes craintes vont-elles tout gâcher ? Mon esprit de contradiction, de revendication, n’aveuglera-t-il pas mon cœur jusqu’à protéger mon couple au-delà de mes sentiments ?

Je ne sais pas qui je suis. Je ne sais pas si j’aimerai la femme, ou les femmes. Je ne sais pas si notre histoire marchera ou pas. Toutes ces questions ne devraient pas me travailler à ce stade de notre histoire. Et pourtant elle m’obsèdent. Mon seul désir ? Vivre ma relation. Vivre ma vie.

Source : le nouvel observateur