Mariage pour tous, famille pour tous

La famille est un grand tabou dans nos sociétés. Certains s’arrogent le monopole de sa défense, au prix d’invectives et d’outrances. Lorsque Simone Veil fit voter avec un grand courage la loi autorisant l’IVG, elle dut subir dans son propre camp une hostilité violente. Lorsque les socialistes ont créé le Pacs en 1999, les mêmes opposants nous accusaient d’affaiblir le mariage. Avec le recul du temps, nous savons bien que la loi Veil n’a pas banalisé le recours à l’avortement et que le nombre de mariages n’a pas été réduit par la « concurrence » du pacte civil de solidarité.

Le climat qui entoure le projet de mariage et d’adoption pour tous est porteur des mêmes préjugés, des mêmes fantasmes, et de cette intolérance qui conduit des personnes sensées à prédire des catastrophes qui ne se produiront jamais. Défenseur depuis des années de l’égalité des droits, je salue les avancées que la nouvelle majorité va faire acter dans nos lois. Mais j’aurais un sentiment d’inachevé si nous n’allions pas jusqu’au bout de cette égalité des droits qui est un principe républicain. Je n’oublie pas qu’en France, l’homosexualité n’a été dépénalisée qu’en 1982, et qu’elle n’est sortie du registre des maladies mentales qu’en 1992. La France, qui était lors de l’adoption du Pacs à l’avant-garde dans la reconnaissance des familles homosexuelles, est aujourd’hui à la traîne au niveau de l’Europe, dont une majorité de pays autorisent le mariage aux couples de même sexe et souvent l’adoption. Le Parlement européen a d’ailleurs adopté en 2003 une résolution demandant d’abolir toute forme de discrimination dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d’adoption d’enfants. Pour ma part, je considère que l’égalité des droits commande d’élargir aux couples de femmes les techniques de procréation médicalement assistée proposées aux couples hétérosexuels. Le droit essentiel qu’est celui de fonder une famille ne doit plus être restreint par une discrimination dont le seul fondement est l’orientation sexuelle –et accessoirement le pouvoir d’achat, puisque les femmes qui en ont les moyens financiers vont en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, où elles peuvent bénéficier de la PMA. Le désir d’enfant de ces femmes est sincère, légitime, naturel. De quel droit irions-nous le leur dénier ? La réponse est dans la question.

Bernard Roman
Député PS du Nord

Source : http://www.bernard-roman.net/article-mariage-pour-tous-famille-pour-tous-111155880.html