Mariage gay : le mal à l’âme des « Cathos » blessés par l’Eglise

C’est plus qu’un malaise, un mal à l’âme qui s’exprime, douloureusement, dans les courriers des lecteurs et sur les sites des médias catholiques.

La mobilisation radicale de la hiérarchie contre la loi sur l’adoption et le mariage gay, ont laissé des blessures profondes tant se sont trouvés exclus ceux qui n’étaient pas dans ligne officielle, celle que l’on appellera « d’amour excluant ». Les témoignages en sont souvent bouleversants et peuvent faire redouter une difficile réconciliation.

Ainsi le quotidien La Croix a-t-il publié 4 pages de lettres qui montrent d’abord qu’il n’y a pas qu’un son de cloche dans les paroisses contrairement à ce que les autorités ecclésiastiques ont voulu laisser accroire. Ca carillonne dans tous les sens et aujourd’hui commencent à se faire entendre plus fortement ces chrétiens favorables à la loi que les évêques n’ont pas voulu ouïr.

C’est ce qui frappe le plus : l’Eglise qui n’a cessé de réclamer un débat public ne l’a pas organisé en son sein ! Les divergents, les dissidents n’ont eu droit ni à la parole ni donc à l’écoute. Hors de la parole officielle, point de salut, ni même d’existence. Les « cathos » partisans du « mariage pour tous – minimum un gros tiers selon les sondages – ont été tenus pour quantité négligeables. Des riens. Des moins que rien!

Certains récits sont de ce point de vue accablants pour l’Eglise. Tel celui de ce « père d’un enfant homosexuel vivant en couple » et qui écrit « je souffre que nombre de porte paroles de l’Eglise n’introduisent pas dans le débat actuel un minimum d’accueil évangélique à l’image de celui du Christ ». Il poursuit, « mon fils est membre à part entière du corps du Christ. Pourquoi est-il le lépreux que l’on isole ».

Et de conclure avec amertume : « il est plus facile dans l’Eglise d’être le parent d’un enfant handicapé. Cela déclenche au moins un peu de charité chrétienne ! »

Nombre de ces correspondants accusent « l’écrasante majorité des évêques et des prêtres qui les ont suivis » d’avoir provoqué « ce gâchis : déchirements, violences, homophobies ». Les interpellations sont vives : « qu’avez vous fait du désarroi des jeunes qui se découvrent homosexuels ? Qu’avez vous fait de la souffrance des mamans célibataires ou des enfants adoptés par des célibataires qui entendent des manifestants crier que s’il n’y a pas de papas, l’enfant est forcément malheureux… »

Cette déploration revient avec plus ou moins de colère mais beaucoup de tristesse : « je m’attendais à un autre message évangélique… ». Comme l’écrivait un internaute, « ce n’est pas avec Dieu que j’ai un problème mais avec son personnel au sol ! »

Un problème d’éthique mais aussi de politique. Comme le regrette un abbé du pas de Calais, « un piège politico-religieux s’est mis en place depuis que les chrétiens ont été appelés par Monseigneur Vingt-Trois à venir prier le 15 aout contre le mariage pout tous ». Un piège dont il sera d’autant plus difficile de sortir que l’Eglise apparaît désormais avoir partie étroitement liée avec un mouvement excluant et droitisé, parfois extrême-droitisé.

Nombre de lettres aussi témoignent de cette volonté farouche, hérissée d’hostilité, de « ne rien lâcher » et de ne rien concéder aux barabares qui seraient dans la cité et saperaient la civilisation judéo-chrétienne. Rien que ça !

Avec ces fervents qui ne parlent que d’amour de l’autre mais excluent toute différence, le dialogue apparaît impossible. Pourtant, aussi bien Témoignage chrétien qui soutient la loi que La Croix, qui était contre en appelent à un échange- partage généreux. Mais l’Eglise qui devrait être la maison des humiliés et des meurtris a trop fermé la porte pour qu’on imagine qu’elle la rouvre demain. A moins que l’esprit saint ? …

L’éminent Bruno Frappat dans une de ses chroniques très lues de ce quotidien remarquait : « les catholiques sont divisés. On entend la majorité hostile à la loi. On n’entend pas la minorité. » Inquiet de ce défaut d’écoute, il s’interrogeait « sommes nous devenus fous ? ». On craint qu’il ne faille répondre au moins partiellement par l’affirmative. Il faudrait s’angoisser même de ce que les fous aient pu prendre le contrôle de l’asile !

Nicolas Domenach – Marianne