L’homophobie mise en échec !

Patrick Burke, cofondateur du projet You Can Play, a un objectif simple… et ambitieux : éliminer l’homophobie dans le sport. Et il est en train de gagner sa bataille.

Le fils de Brian Burke, ancien directeur général des Maple Leafs de Toronto, et frère de Brendan Burke, qui a parlé ouvertement de son homosexualité peu de temps avant de mourir dans un accident de voiture, a lancé son projet en 2011 avec des associés.

Le projet You Can Play jouit déjà d’une belle notoriété, mais certaines personnes ne connaissent peut-être pas encore votre organisme. Pouvez-vous expliquer quelles sont votre mission et vos méthodes de travail?
Nous voulons que les athlètes et les entraîneurs se sentent libres d’évoluer dans le monde du sport peu importe leur orientation sexuelle. Dans le sport, tout le monde part à égalité. Les meilleurs joueurs gagnent; le sexe des gens avec qui ils partagent leur vie n’a pas d’impact là-dessus.

Notre méthode consiste à éduquer les joueurs sur la question de l’homosexualité. Nous sommes une ressource pour eux. De plus, nous sollicitons divers athlètes, homosexuels ou simplement sympathiques à la cause, pour qu’ils nous aident à faire passer le message en participant à des vidéos. Nous amenons aussi des athlètes gais dans des vestiaires d’équipes. Nous sommes d’ailleurs allés rencontrer les Bulldogs de Hamilton, et les joueurs ont été tellement touchés qu’ils ont fait une vidéo pour nous peu de temps après.

La plupart des partisans du Canadien parlent français. Avez-vous pensé à offrir quelque chose aux francophones?
C’est une priorité pour nous cette année de produire une vidéo en français pour les jeunes Québécois.

Vous être principalement impliqué dans l’univers du hockey. Pensez-vous élargir vos activités aux autres sports professionnels nord-américains?
Nous sommes aussi partenaires de la MLS. Trois équipes ont déjà fait des vidéos, et il y en a d’autres en préparation. David Testo (qui jouait avec l’Impact avant que l’équipe passe en MLS) est avec nous. Notre partenariat avec la MLS est récent. Nous pourrons solliciter toutes les équipes une fois que la saison sera terminée. Nous ne voulons pas nous imposer durant la campagne. Nous avons aussi travaillé avec la NFL et le baseball majeur.

Mais je dispose d’un avantage dans l’univers du hockey puisque tout le monde me connaît. Quand j’ai été voir le commissaire Gary Bettman, il a tout de suite su qu’il pouvait me faire confiance.

Avez-vous été surpris par le succès de You Can Play?
J’ai été impressionné de voir à quel point ç’a bien fonctionné dès le début. Mais les joueurs sont extraordinaires quand vient le temps de participer à des œuvres caritatives, il n’est donc pas étonnant qu’ils aient appuyé la communauté LGBT (lesbienne, gaie, bisexuelle, transsexuelle et transgenre). Deux jours après avoir lancé la campagne, je recevais déjà des courriels de joueurs qui me demandaient comment ils pouvaient m’aider. Ça en dit beaucoup sur la qualité des individus que nous avons dans notre sport.

Vous parlez, dans des entrevues, de combattre la banalisation de l’homophobie (casual homophobia). Que voulez-vous dire exactement par là?
Nous combattons les habitudes qu’ont certains athlètes, comme plusieurs autres personnes, d’utiliser des propos homophobes, mais sans avoir l’intention de discriminer. Par exemple, si quelqu’un dit «ce film est gai», il ne veut pas dire «ce film est homosexuel». Dans l’immense majorité des cas, quand nous expliquons aux joueurs pourquoi certaines expressions ou certains mots peuvent être blessants, ils comprennent tout de suite.

Quelle est la meilleure façon de réagir aux critiques auxquelles votre mouvement fait face?
Continuer à avancer. Pour chaque commentaire négatif que nous recevons, nous en recevons 100 positifs. Pour chaque personne dans son salon qui écrit des choses blessantes sur l’internet, une super star du hockey est prête à nous appuyer devant des millions de personnes dans une vidéo. Il y a de moins en moins de gens réellement homophobes. Nous sommes en train de gagner cette bataille.

La moindre petite chose peut être vue comme une «distraction» dans le monde du hockey. Michel Therrien a même banni un geste de célébration entre P.K. Subban et Carey Price avant la saison. Comment encourager un joueur à parler ouvertement de son homosexualité, ce qui attirera inévitablement l’attention, si on considère cette attitude plutôt conservatrice?
D’abord, le joueur qui décidera de parler sera meilleur par la suite. Il sera plus concentré et plus à l’aise, puisqu’il n’aura plus à se cacher. Et l’équipe pourra compter sur nous pour l’aider avec les médias. Si ce n’était pas de la pression médiatique qui vient avec une telle annonce, certains joueurs auraient déjà fait leur coming out.

La LNH est-elle prête à accueillir son premier joueur ouvertement gai?
Aucun doute, tous les sondages montrent que les joueurs sont prêts. Gary Bettman et Donald Fehr (directeur de l’Association des joueurs) sont aussi d’accord.

Le joueur de la NBA Jason Collins est devenu le premier athlète actif dans une des quatre ligues majeures en Amérique du Nord à annoncer qu’il était gai. Quel impact sa décision aura-t-elle?
Je suis fier de Jason et surtout content pour lui. Maintenant, un joueur qui déciderait de parler ouvertement ne serait pas le premier à le faire. La glace est brisée.

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Le Canadien est une des équipes qui a participé au You Can Play Project.

«Carey Price et Brian Gionta sont apparus dans des vidéos. De plus, Marc Bergevin, que je considère comme un ami, soutient beaucoup notre cause, a raconté Patrick Burke. Il est souvent en contact avec nous.»

«Dans le cadre du dernier passage du Canadien à Boston – où je travaille comme dépisteur pour les Flyers –, Marc est venu me voir. Il m’a dit de ne pas hésiter à l’appeler si je pensais que l’équipe pouvait en faire plus pour nous.»

Par Mathieu Horth Gagné