L’homophobie de tous les dangers : la photo que personne ne voulait voir

C’est la photo que personne ne voulait voir. Pour les pro-mariage pour tous, c’est le grave résultat d’un débat qui a plus nourri les haines que les esprits. Pour les pro-manif pour tous c’est une nouvelle craquelure dans le vernis zéro homophobie dont se prévalait Frigide Barjot et son homo-prétexte : Xavier Bongibault.

Wilfred a posté lui-même la photo de son visage sur les réseaux sociaux, tuméfié et ensanglanté après une agression hier, dans le 19eme arrondissement de Paris. Tout de suite, ses amis, ses proches et des inconnus ont relayé son portrait avec la viralité que permet Twitter. L’émoi s’empare de la blogosphère “gauchiste” (quoi que combattre l’homophobie, comme défendre d’égalité des droits, n’est ni de gauche ni de droite), telle qu’elle est raillée par les opposants à l’engagement 31 de François Hollande. Tous condamnent un acte ignoble dont Christine Boutin et consorts seraient responsables.

Après un débat éreintant de plus de 10 mois, un passage devant le Sénat qui nous rappelle tristement les arguments éructés dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, après une nouvelle manifestation qui, au delà des chiffres, fait mal aux partisans de l’égalité, la simple réalité nous revient en pleine figure. Elle est revenue en pleine figure de Wilfred. Et homos ou hétéros, femme ou homme, mère ou fils, fille ou père de personnes appartenant la communauté LGBT (Lesbienne, gay, bi et trans) il y a de quoi avoir peur.

L’homophobie n’est pas nouvelle et ne s’arrêtera pas à la très probable promulgation de la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Mais cette nouvelle démonstration de violence brutale et gratuite, visant à discriminer quelqu’un pour ce qu’il est, arrive au plus mauvais des moments. Alors que le mouvement anti-mariage commence à ne plus maîtriser ses élements les plus radicaux, les homosexuels français (et plus largement ceux qui suivent le débat en France) atteignent un degré de sidération et de colère sans précédent. Aux détours de mes conversations, des publications de proches ou de recherches sur internet, le sujet clive, fâche, électrise et polarise à l’extrême.

Triste concomitance, le salon des associations LGBT se faisait saccager par des membres du “Printemps Français” de la Versaillaise Béatrice Bourges, récemment mis au ban du collectif “Manif pour tous”. Dans le même temps, France 3 Auvergne annoncait qu’une famille s’était faite agressée par un militant de l’égalité des droits. Un combat sociétal entre deux visions de la société, parce que les politiques n’ont pas su l’élever à la hauteur des engagements de la république, est-il entrain de virer à l’affrontement ? Pour l’instant éparse, mais jusqu’à quand ?

Autour de moi, le ras-le-bol des discours extrémistes et homophobes atteint son paroxysme. Les gens ne se satisfont plus des réponses pacifiques, symboliques et muettes. Je sens poindre une véritable envie de croiser le fer. “Pourquoi discuter avec ceux qui nous vomissent ?”, “Depuis le temps que je dis qu’il faut qu’on frappe nous aussi” ou encore “Ne rien oublier, ne plus rien leur pardonner, ne plus rien laisser passer. Dialoguer avec des animaux ne sert à rien” me reviennent aux oreilles quand j’évoque ma crainte de prendre les mêmes armes que nos opposants. Dès lors, j’imagine l’escalade que je ne voudrais jamais voir arriver : voir des militants de l’égalité des droits, du respect de l’autre, se radicaliser pour rejoindre les méthodes les plus archaïques de leurs adversaires. Comment ne pas les comprendre ? Mais dois-je pour autant accepter cette réponse de l’émotion, à mon sens dangereuse humainement et contre-productive politiquement ? J’ai autant peur d’une réponse que de ne pas savoir…

Le 10 avril, une manifestation en réaction à cette agression et, plus largement, au contexte de plus en plus délétère sera organisée dans le Marais. J’espère ne pas y entendre de refrain de batailles rangées ni de promesses de vengeance. Car ce serait la dernière des folies que d’offrir l’occasion aux partisans de la violence de pouvoir en être des victimes. Car j’ai également encore en tête le slogan flottant dans une manifestation de janvier dernier, multicolore et bon enfant, joyeuse et engagée : “nos amours sont plus fortes que vos haines”. Je refuse d’en voir les mots s’inverser.

source:mediapart.fr/
(c) Mounir Mahjoubi