Les transgenres existaient déjà… à la préhistoire.

Oui, vous avez bien lu. Alors qu’on ne cesse de marteler que le transsexualisme est contemporain et que le genre est une théorie, une étude ethnographique montre que dans les sociétés ancestrales, non seulement les personnes transgenres existaient déjà, mais en plus qu’elles étaient tout à fait acceptées.

Elle établit par ailleurs un lien entre l’acceptation et la tolérance de la transsexualité dans une société d’une part, et l’altruisme et l’égalité entre les genres qui caractérise cette société d’autre part. Publiée dans la revue Human Nature, cette étude a été dirigée par Doug VanderLaan du Centre pour les addictions et la santé mentale au Canada.

Le troisième genre était déjà reconnu

Les homo sapiens ancestraux reconnaissaient le troisième genre. Répondant au HuffPost, Doug VanderLaan précise que « dans certaines sociétés, ces individus s’identifiaient comme membres d’une troisième catégorie de genre: ils ne sont pas socialement reconnus comme étant des hommes ou des femmes, mais plutôt comme une troisième catégorie. »

Dans cette étude, les termes « mâle transgenre » signifient un homme qui s’identifierait à un genre féminin. Cette terminologie est utilisée dans cet article bien qu’aujourd’hui, on parle d’homme transgenre pour désigner une personne de sexe féminin qui s’identifie à un genre masculin. Le terme « mâle » « réfère à la biologie des individus (par exemple, leurs chromosomes) alors que le mot « homme » réfère à leur genre (par exemple, les vêtements qu’ils portent et leur démonstration, ou non, d’un comportement social masculin », explique Doug VanderLaan .

Dire qu’il aura fallu attendre 2013 pour qu’un pays de l’Union européenne reconnaisse le troisième genre… C’est-à-dire un genre indéterminé, ni masculin ni féminin. Dès le 1er novembre, les personnes de genre indéterminé auront, en Allemagne, toute leur vie pour décider, si elles le souhaitent, de modifier leur certificat de naissance.

Les « trans » étaient non seulement tolérés, mais aussi acceptés et valorisés

Ce que cette étude montre est surprenant, dans le bon sens du terme. Les « mâles androphiles transgenres » (mâles identifiées comme homme ou comme femme, attirés par des hommes – voir lexique en bas de la page) étaient acceptés dans les cultures chasseurs-cueilleurs traditionnelles. Pourquoi? Parce que malgré leur orientation sexuelle et/ou leur identité sexuelle, ils restaient des individus présents pour soutenir et aider leurs familles. Tout simplement.

En plus, en s’investissant dans leurs familles, ils s’assuraient que leur lignée survivrait jusqu’aux générations suivantes même si eux n’avaient pas d’enfants.

Difficile de s’imaginer une telle tolérance, quand on voit à quel point la France peine à reconnaître les droits des trans’. Si la discrimination contre les trans’ a été reconnue en 2012, les dispositions relatives au changement d’état civil sont reportées au premier semestre 2014. En attendant, les trans’ vivent un véritable calvaire pour obtenir ce changement. La transformation physique doit être faite et vérifiée par une expertise. Ils doivent aussi, entre autres, passer des tests psychiatriques pour être assuré qu’ils ne sont pas malades.

Des sociétés où les hommes et les femmes sont égaux

Les chercheurs ont également voulu savoir si les sociétés dans lesquelles « l’androphilie mâles transgenres » est dominante, tendent à un altruisme envers ses proches important.

Pour affirmer ou infirmer cette idée, VanderLaan et ses collègues ont comparé l’environnement socioculturel de nos sociétés contemporaines transgenres à celui des sociétés ancestrales de chasseurs-cueilleurs. Au total parmi ces sociétés ancestrales, 46 sociétés transgenres et 146 non-transgenres ont été passées au peigne fin.

Quelles sont les communautés qui étaient les plus propices à être constituées d’individus transgenres? Celles qui promeuvent une égalité sociale, spirituelle, politique, économique entre les hommes et les femmes. Dans ces sociétés, les chercheurs ont également constaté une tolérance et une acceptation plus forte des relations entre personnes de même sexe. Il était très rare que les « mâles transgenres » soient discriminés.

L’acceptation des personnes transgenres émergerait donc des sociétés égalitaires. Sans s’arrêter sur les (trop) nombreuses inégalités qui persistent entre les genres, rappelons que nous vivons dans une société où l’égalité entre les genres fait encore débat.

Point faible de l’étude toutefois: elle ne porte malheureusement que sur les hommes. Difficile, donc, de savoir quelle était la situation des femmes dans ces sociétés ancestrales, et si elles aussi étaient transgenres.

Reste que l’acceptation de l’homosexualité et de la transsexualité masculines était importante dans ces sociétés. Prendre exemple sur les hommes préhistoriques, qui l’eût cru?

Par société ancestrale, Doug VanderLaan signifie « les Homo sapiens qui manifestaient un niveau tribal d’organisation, ainsi que les caractéristiques suivantes: groupe de petite taille, dépendance à la chasse et à la cueillette, systèmes politiques relativement simples, pratiques religieuses chamanes, et le fait que la mère et le père de famille sont importants pour organiser la vie sociale et le transfert des richesses ». Les premières traces d’Homo sapiens datent d’il y a 195 000 ans, mais seuls ceux qui ont ce mode d’organisation précis doivent être pris en compte dans cette étude.

Pour mieux comprendre cette étude

Transgenre: personne dont le genre diffère du sexe biologique
Transsexuel: transgenre qui va jusqu’à la transformation physique
Homme transgenre: personne dont le sexe biologique est féminin, qui s’identifie à un genre masculin
Androphilie: fait d’être attiré par les hommes ou la masculinité
Androphilie avec accord entre sexe et genre masculin: homme qui s’identifie comme tel et attiré par un homme
Androphilie transgenre: homme qui s’identifie à une femme et attiré par un homme

Notons que les termes employés dans cette étude permettent de ne pas retomber dans l’opposition classique entre homosexualité et hétérosexualité. La question de l’accord entre le sexe et le genre n’est que seconde par rapport à l’attirance sexuelle pour un genre.

Le HuffPost  |  Par Marine Le Breton