Les trans’ et les media

Depuis quelques temps, les reportages sur les trans’ ont tendance à se multiplier et à renvoyer une image nous concernant toujours plus sensationnelle et surtout très déformée des réalités. Nous sommes présentées (Ce sont majoritairement les trans’ MtF qui sont concernées par ces reportages) comme si nous n’étions pas des êtres humains à part entière.

Il résulte de cet état de fait que nous qui sommes intégrées classiquement dans la société, faisant nos commissions, allant travailler, prenant les transports en commun, allant au cinéma, au théâtre, ayant des responsabilités parfois importantes dans des associations très classiques, agissant en tant que citoyennes lambda dans la société, ou même pour celles qui sont prostituées du fait de leur parcours de vie, au demeurant citoyennes à part entière, sommes régulièrement confrontées à devoir expliquer que ces émissions sont racoleuses, sensationnalistes, déformantes, et même avilissantes du fait de la manière dont “le sujet” est traité.

Or… Y a-t-il réellement un sujet ? De fait, on est tentés de dire oui puisque dans la société actuelle si nous ne nous conformons pas au modèle binaire hétéro-patriarco-normé (HPN), nous devenons un sujet au même titre que les personnes dont l’orientation sexuelle est différente d’hétérosexuelle. Cette écart “à la norme” fait immédiatement couler beaucoup d’encre, et pas des meilleures pour souvent tenter de prouver que tous ces êtres humains ne sont pas… normaux, qu’ils ne reflètent pas ce que la société attend de chaque citoyen, chaque citoyenne, et qu’en filigrane nous sommes une sorte de danger quant à l’équilibre de la société.

Une chose est sûre, l’homosexualité n’est pas contagieuse et n’est pas non plus une maladie. La transidentité, centre de cet article, n’est pas plus contagieuse et n’est pas non plus une maladie. Or, c’est le message que tentent de faire passer toutes ces personnes se fondant sur le modèle HPN. Dès lors qu’on a intégré ce fait qui se suffit à lui-même, il devient évident que la présence dans la société de cette diversité n’est pas dangereuse en soi, sauf peut-être pour des personnes doutant elles-mêmes de leur identité de genre et/ou de leur orientation sexuelle, n’étant pas finalement naturelles avec elles-mêmes et enfouissant tant bien que mal leur malaise de vie : féminité refoulée, masculinité refoulée, homosexualité refoulée, bisexualité refoulée, transidentité refoulée…

Par contre, combattre ces diversités force les personnes combattues à sortir à un moment de leur silence et des brimades, moqueries, humiliations constamment subies dans cette société, parfois avec virulence, pour faire valoir leur droit à vivre. Il en résulte des manifestations, dans lesquelles pour certaines j’ai participé, qui peuvent paraître excessives vues de l’extérieur. Elles sont dans les faits excessives. Quand par exemple j’entends “non à la stérilisation”, mon poil se hérisse car ma chirurgie de réattribution sexuelle n’a pas été pour moi une stérilisation. Mais, derrière ceci je sais aussi trier le bon grain de l’ivraie, et ce propos très dur, très excessif que j’abhorre à première vue à titre personnel, n’est autre qu’une réponse à la négation de l’existence de personnes qui ne se sentent ni du genre masculin, ni du genre féminin. Si ces personnes pouvaient vivre sans être mises en accusation de subversion-perversion sous prétexte qu’elles ne vivent pas comme la plupart des gens, elles ne penseraient même pas à tenir de tels propos étant dans leur zone de confort de vie, n’étant pas mise en échec par le modèle HPN. En fait, chaque être humain existe pleinement, s’épanouit pleinement dès lors qu’il évolue dans sa zone de confort. Je connais dans mon entourage des personnes pour qui la zone de confort se situe par moments dans le tout-féminin alors que dans leurs actions le masculin prédomine. Ces personnes s’auto-identifient de genre masculin avec une forte composante féminine qu’elles vivent malheureusement dans l’ombre du fait de la société. Ces personnes ne nécessiteront à priori jamais un seul ajustement du corps pour se sentir bien dans leur peau. Et même, elle n’auront pas forcément besoin du vestimentaire (appelé vulgairement travestisme) pour que leur féminité puisse par moments s’exprimer à plein potentiel. Je vais aller un cran plus loin… Un homme devant s’occuper seul de son enfant parce que sa conjointe n’est plus là (mono-parentalité), devra forcément utiliser sa part féminine pour s’occuper correctement de son enfant. Une femme devant s’occuper seule de son enfant parce que son conjoint n’est plus là (mono-parentalité), devra forcément utiliser sa part masculine pour s’occuper correctement de son enfant. Prolongeons le raisonnement, et nous voyons par exemple que deux hommes ensemble (homo-parentalité) peuvent très bien s’occuper d’un enfant dès lors qu’ils utilisent leur composante féminine lorsqu’elle est nécessaire. Le même raisonnement s’applique à un couple de femmes qui devront intégrer leur composante masculine (homo-parentalité, bis) par moments, toujours pour s’occuper de l’enfant.

Je reporte ensuite le sujet sur les trans’ allant aux opérations de soins de réattribution comme moi. L’écart existant entre le genre assigné à la naissance sur foi des organes génitaux apparents et la réalité du genre ressenti, indépendamment de ce que distille la société est tel, qu’il nous est vital de faire l’ensemble des ajustements de notre corps pour nous sentir en zone de confort de vie. Nous ne le faisons pas pour les autres, pour le paraître face aux autres, nous le faisons pour nous. C’est en ceci que nous différons fondamentalement du modèle HPN qui veut que nous n’existions tout simplement pas, ce modèle ayant même commis des actes d’une barbarie sans nom à certaines époques pas si reculées (années 70-90) intégrant les électrochocs à répétition, l’injection de substances neuroleptiques/antipsychotiques afin de “soigner cette psychose”, ou l’utilisation du bâton et de la carotte en obligeant le/la trans’ à agir dans le mode normé ne lui correspondant pas. Notre zone de confort de vie se situe dans le genre opposé au genre décidé médicalement-administrativement pour nous à notre naissance. Le genre assigné n’a rien de naturel, ni même de social, il découle d’une convention que les parties génitales sont le genre, improprement appelé le sexe. Il se trouve que notre genre réel est strictement à l’opposé de ce qui nous a été attribué socialement-politiquement en mairie à la naissance sur foi d’un constat physique-médical n’intégrant pas le libre-arbitre.

Lorsque nous nous affirmons aux yeux de la société nous ne faisons que nous réapproprier notre libre-arbitre. Nous affichons qui nous sommes sans arrière-pensée, demandant simplement à ce que soit respectée notre perception de nous-mêmes avec tout ce qui en découle. Comme je l’ai dit en début de cet article je parle majoritairement des trans’ MtF, et il en résulte les points suivants : 1/ Parler de nous en employant “elle” et non “il”. 2/ Nous parler en respectant notre perception de nous-mêmes. 3/ Simplement respecter notre identité de genre en toutes circonstances.

Comme nous le voyons, nous devenons un sujet de conversation, de sensationnel, uniquement parce que la société n’intègre pas nos simples Droits Humains au sens des constitutions tant locales que globales. La notion de “Liberté-Egalité-Fraternité” affichée sur pratiquement tous les frontons des écoles nous est refusée de facto. Il résulte de ce refus implicite une sorte de curée médiatique nous mettant sous les feux de la rampe, tout au moins pour celles qui acceptent de se prêter à ce jeu, nous discréditant, nous obligeant à constamment réexpliquer, éduquer à nouveau pour simplement dire que nous sommes des êtres humains simplement.

Ces émissions nous font un tort considérable et nous rabaissent constamment à un rang de sous-humains de manière implicite.

Par ailleurs, il se dit dans la “communauté” par certaines que certains media n’hésitent pas dans certains cas à payer une partie des frais de leur vaginoplastie à l’étranger à des trans’ (voyage et hébergement sur le lieu de la vaginoplastie par exemple) en contrepartie du droit à reportage, et finalement d’un droit implicite à l’exploitation de l’image. La trans’ se trouve d’un coup et d’un seul dépossédée de son contrôle de l’image et du texte, et ne peut attaquer le media du fait du contrat très certainement signé entre elle et lui. La trans’ accepte souvent ce deal, toujours selon les informations qui courent dans la “communauté”, parce qu’elle n’a pas les moyens financiers de payer ses soins sans ces sommes et se retrouve prise dans un piège habilement tendu par le media voyant en elle une proie facile. Ce genre de pratique a eu cours, toujours selon les informations qui courent dans la “communauté” mais bien gardées au chaud dans une sorte d’omerta, et est très dommageable pour la trans’ et pour toutes les autres trans’ qui se voient d’un coup assimilées à l’image renvoyée par le media qui recherche bien souvent du sensationnel.

Il est plus que temps que les trans’ ne tombent plus dans ces émissions à sensation qui font un tort considérable à l’ensemble des autres trans’, ayant régulièrement obligation de prouver par A plus B que ce qui est relaté dans ces émissions tient du sensationnel et surtout avilit notre image par l’emploi régulier des pronoms qui ne nous correspondent pas, “il” à la place de “elle”, et conforte la société dans une vision déformée de qui nous sommes, et nous dépossède du droit élémentaire d’être considérées en tant qu’êtres humains ayant les mêmes droits au respect que tout le monde.

Je vous renvoie une nouvelle fois vers la Charte Trans Media Watch présente sur ce site qui permettra d’approfondir techniquement ce que nous demandons qui soit mis en place en France nous concernant. Pour information Channel Four a signé cette charte en Grande-Bretagne : http://www.transmediawatch.org/