Les homos inaptes à élever des enfants ? L’étrange conclusion de l’étude de Mark Regnerus

Les parents homosexuels sont-ils de meilleurs ou moins bons parents que les hétérosexuels ? Ce grand débat qui hante les conservateurs, fervents défenseurs de la sainte Église catholique, de la famille hétérosexuelle et grands adeptes de l’hypocrisie, vient d’être lancé par une pseudo étude scientifique.

Non, si l’on en croit une étude du sociologue Mark Regnerus, parue il y a quelques jours dans le journal américain “Social Science Research” et reprise par Slate USA. L’étude, commandée par deux fonds sociaux américains à hauteur de 800.000 dollars, a de quoi faire douter de sa bonne neutralité mais passons…

Elle s’appuie sur l’examen d’environ 3.000 adultes provenant de huit structures familiales différentes et sur l’évaluation de quarante critères sociaux et émotionnels. Elle ne remet pas en cause le mariage de même sexe et prend en considération la période de vie conjugale hors mariage, justement avant le mariage (si mariage il y a ou si les parties le peuvent), partie de la vie de couple la plus instable selon le sociologue.

Des enfants moins équilibrés ?

L’étude révèle que les enfants adultes de parents homosexuels et lesbiens subissent les conséquences économiques et émotionnelles de manière bien plus négative que les enfants élevés dans des familles hétérosexuelles.

Autrement dit, les enfants ayant grandi dans des familles biologiques sont en général mieux éduqués, sont en meilleure santé mentale et physique, touchent moins à la drogue, s’engagent moins dans des activités criminelles et se disent plus souvent heureux que les autres.

A contrario, les résultats les plus négatifs touchent les enfants issus de familles homoparentales et principalement lesbiennes. Elle montre entre autres que ces enfants sont plus souvent victimes d’abus sexuels (23% des enfants de mères lesbiennes étaient victimes d’abus par un parent ou un adulte, contre 2% chez les enfants issus de couples mariés).

Ils ont une moins bonne santé physique, sont plus souvent victimes de dépression, font plus fréquemment usage de marijuana et ils sont davantage à être sans emploi (69% des enfants issus de familles homoparentales lesbiennes dépendent des prestations sociales, pour 17% de ceux issus de couples mariés).

La persistance des préjugés

Ah ? Tout est beau, tout est gentil chez nos voisins hétérosexuels alors. Pas de violences familiales, pas d’inceste, pas de maltraitance, pas de pédophilie, pas de familles modestes ou aux revenus minimums…

Tout cela n’existe pas dans certaines familles hétérosexuelles et serait pure invention ? Et que dire des familles hétérosexuelles qui vivent hors mariage, pas d’instabilité au sein du couple dans le monde des bisounours ? Quelle information ! Ou plus exactement quelle désinformation ! On reste dans la caricature, le préjugé et la connerie …

Pour Mark Regnerus, la démonstration est faite que les homosexuels sont inaptes à élever des enfants. Point barre. Merci d’être venu, la démonstration scientifique s’arrête ici. Il n’en fallait pas plus pour que les conservateurs, les religieux et lobbies en tout genre reprennent cette étude en boucle et avec une certaine fierté (j’allais dire hypocrisie).

Le “salon beige”, “belle” institution catholique conservatrice à tendance extrémiste, a repris l’information à son compte, information relayée à son tour dans une partie de la “catosphère” du web.

Une étrange méthodologie

En fait, en se penchant un peu plus sur le questionnaire, on perçoit un peu plus la portée dite scientifique voulue par le sociologue Mark Regnerus.

Le début du questionnaire est classique : âge, sexe et type de famille (parents homosexuels ou hétérosexuels). Première surprise, seules les personnes âgées de 18 à 39 ans peuvent prendre part au questionnaire, les autres étant exclues d’office. En gros, il faut être né entre 1971 et 1994, période où le mariage entre personnes de même sexe était encore illégal dans l’ensemble des États-Unis.

Période également où des millions d’homosexuels pratiquaient des mariages “blancs” afin de cacher leur homosexualité et passer ainsi pour de “vrais” couples hétérosexuels. Ce sociologue ne semble pas très regardant à vrai dire sur cette partie. Mais continuons …

Toujours au cours du questionnaire, une question m’interpelle : “Du moment de votre naissance jusqu’à vos 18 ans, vos parents ont-ils déjà eu une aventure homosexuelle ?” Dit comme ça, rien de choquant, me direz vous. Non, mais le traitement de la réponse met également en lumière la portée dite “scientifique” de l’étude.

Si le questionné répond oui, il est automatiquement catalogué comme enfant de parents homosexuels et ce malgré les réponses apportées aux autres questions. Mais si la personne interrogée répond non, alors une autre question lui est posée plus loin sur la situation de ses parents hétérosexuels : l’enfant a été adopté, les parents ont divorcé, il s’agit d’une famille mono-parentale ou d’une famille recomposée ?

Tous ces cas de figure sont exclus directement du questionnaire, exclus du critère “famille hétérosexuelle” pour être basculés dans le critère “famille homosexuelle”. Étrange conception, non ?

Une étude orientée

Personnellement, je ne doute plus quant à la stupidité d’une telle étude qui n’a au fond rien de scientifique. Commande orientée, elle a tout d’une propagande orchestrée par les lobbies politiques conservateurs et religieux qui se sentent menacés par l’ouverture des droits aux LGBT.

Le mariage entre personnes de même sexe est de plus en plus reconnu dans le monde, les droits commencent peu à peu à s’ouvrir pour les LGBT même si dans certaines contrées il est encore très difficile d’exprimer et de vivre ouvertement son homosexualité.

En France, même si la situation commence à évoluer, nous sommes encore en retard sur ces questions de droits. De nombreux courants conservateurs, politiques et religieux restent à l’affût et feront tout pour éviter que l’égalité des droits soit accordée aux couples de même sexe.

Mariage entre personnes de même sexe, adoption par les couples homosexuels, don du sang pour les gays… Autant de débats et de combats à mener. Même si le président Hollande a pris l’engagement d’appliquer cette mesure rapidement, le débat risque d’être très tendu sur le sujet. Il suffit de voir les premières attaques du site ultra catholique Civitas sur la question.

Les réactionnaires de tout poil sont en embuscade et feront tout pour mener la croisade à son terme…

Par Jérôme Pasanau
Militant anti-discriminations