Homophobie, injures, violences : existe-t-il une limite à la liberté d’expression ?

Depuis la “Manif pour tous” du 24 mars, nous observons une radicalisation des opposants au projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Alors que les sénateurs nous avaient promis un débat respectueux, contrairement au spectacle offert par l’opposition à l’assemblée nationale, nous avons eu droit vendredi 5 avril à une obstruction de la part des sénateurs UMP. Cela est le signe que ce sujet, qualifié de non essentiel, de secondaire par certains, déchaîne les passions. Et la passion est souvent bien mauvaise conseillère. Exactions, injures à caractère homophobe, violences, intimidations. Jusqu’à quand la communauté LGBT va-t-elle devoir supporter ces insultes ? Où est la limite entre la sacro-sainte liberté d’expression et un acte ou une parole condamnable par la loi ?

Des prières de rue, dans un pays laïque.

[youtube]http://youtu.be/zWXN2Qckhaw[/youtube]

Le sénateur PS de Mayotte, Thani Mohamed Soilihi, a été le premier sénateur a évoquer les prières organisées par le groupe catholique intégriste Civitas devant le Sénat.

“Les prières de rue sont interdites depuis le 16 septembre 2011. Cette interdiction ne s’applique pas seulement aux musulmans de ce pays, au nom du principe d’égalité.”

Ces propos ont été repris par David Assouline, sénateur de Paris et d’autres qui ont déploré la radicalisation des opposants au projet de loi. Car dans l’opposition, les sénateurs ont déposé plusieurs motions, dont une motion référendaire qui a été largement débattue vendredi 5 avril avant d’être rejetée. Certains, à l’instar de François PILLET (Ratt UMP) ont déclaré ne pas être qualifiés pour voter ce texte, qui va transformer la société. Beaucoup ont réclamé le référendum sous prétexte qu’un tel changement devait obtenir l’approbation des français et méritait un débat de qualité, ce à quoi la Garde des Sceaux, Christiane Taubira a répondu que des débats avaient lieu depuis au moins 6 mois. Mais elle a également déploré les récents incidents qui ont empêché Erwann Binet, le rapporteur du texte sur le mariage pour tous, d’animer des débats.

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Dans les tribunes, Christine Boutin et Frigide Barjot veillent.

En tireurs embusqués, les deux responsables de mouvements d’opposition au projet de loi suivent les débats.

Si Frigide Barjot continue d’éviter les débordements qui pourraient permettre aux journalistes ou aux observateurs de qualifier son mouvement “La Manif pour tous” d’extrémiste, Christine Boutin a franchi les limites depuis longtemps.

Sa stratégie est désormais à la victimisation. Nous avons pu le voir le 24 mars, quand elle a volontairement provoqué des CRS et reçu une pulvérisation de gaz lacrymogène, ce qui nous a valu sa photo allongée sur le sol dans tous les médias… qui, peut-être malgré eux, ont joué le jeu de la présidente du Parti chrétien-démocrate. Mais Madame Boutin ne trompe personne et tout observateur un tant soit peu avisé comprend à quel point sa stratégie est vicieuse. Car Madame Boutin attise toutes les haines en se donnant l’air de ne pas y toucher. Elle laisse les autres se salir les mains en les soutenant juste à coup de #onnelacherien. Le printemps français, la manif partout, le harcèlement des sénateurs, les prières de Civitas… rien ne la dérange, au contraire.

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Christine Boutin retweetant un message qui menace la Ministre Fleur Pellerin, pour avoir osé la caricaturer dans la boîte à questions du Grand Journal de Canal + .

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Des sénateurs menacés pour influer sur leurs votes…

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Sur ce dernier tweet, Christine Boutin se félicite du fait qu’un sénateur UMP qui avait annoncé qu’il voterait POUR le texte de loi “Mariage pour tous” a décidé de changer son vote. “Bravo”, s’exclame la Présidente du PCD, alors qu’elle sait que le sénateur UMP Christophe-André Frassa a retourné sa veste suite aux menaces de mort qu’il a reçu. Quand on vous dit que rien ne la dérange !

Ne souhaitant pas s’arrêter sur cette victoire, un soixantaine de jeunes militants du Printemps français se sont rendus chez Chantal Jouanno, députée UDI favorable au projet de loi. Ils se sont réunis devant son adresse personnelle à 6h du matin. La sénatrice n’a pas apprécié cette tentative d’intimidation “Y’en a marre de ce pays où le moindre débat est l’objet et la raison de violence. Citer le nom de mes enfants est une infraction à ma vie privée. Je les invite à respecter les valeurs de la famille.”

Faire l’amalgame en homosexualité et pédophilie… pour user de l’argument de la protection de l’enfance !

Tous les gays vous le diront : un des arguments les plus abject est celui avancé par les gens qui se défendent de toute homophobie, mais continuent de faire l’amalgame entre homosexualité et pédophilie. C’est insupportable. Et pourtant, ils sont légion.

Sous prétexte de liberté d’expression, on les laisse déverser leur discours de haine. Partout.

Le 28 mars, nous vous demandions de dénoncer à Youtube une vidéo d’une certaine Divinanexus qui tient des propos ouvertement homophobes. Après plus d’une semaine et malgré des signalements sur le site et auprès des autorités compétentes, la vidéo est toujours en ligne. Et ce n’est pas la seule vidéo de ce genre. Hier, nous recevions cette vidéo, que je n’ai pas eu la force de regarder jusqu’au bout.

[youtube]http://youtu.be/sxydtWn4WJw[/youtube]

La manif partout, jusque dans les cimetières !

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A plusieurs endroits du pays, la manif pour tous a utilisé les cimetières pour des actions symboliques. Ces actions sont nées sur la page http://www.lamanifpartout.com qui invite des milliers de militants à recevoir sur leurs téléphones l’incivilité du jour. Profaner un cimetière, saturer les lignes d’une préfecture, d’un rectorat, klaxonner pendant 3 minutes dans la rue. Le but est affiché en page d’accueil du site : “On parlera de chaque action au niveau national grâce à l’effet de masse: nous sommes partout !”. C’est la naissance de ce que Frigide Barjot appelle “la guerre psychologique”.

Même les élus affirment qu’ils ne respecteront pas cette loi.

C’est peut-être la chose la plus grave dans une démocratie. Quand les élus eux-même clament qu’ils ne respecteront pas la loi. C’est d’ailleurs la réponse qu’à adressé François REBSAMEN à Hugues PORTELLI, qui a proclamé au Sénat “Cette loi, si elle est votée, ne sera jamais la nôtre”.

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Derrière cette déclaration résonne la menace du collectif des maires pour l’enfance, qui fait campagne depuis 2005 contre le mariage et l’adoption par des couples homosexuels et ont annoncé dans la presse cette semaine que “dans 2500 communes, les homosexuels ne trouveront aucun élu pour les marier“. Évoquant leur “liberté de conscience”, plus de 20.000 agents d’état civil auraient signé l’appel du collectif pour ne pas marier les couples homo.

Maintenant, ça suffit et le gouvernement doit adresser un message fort aux français.

Pour nous, il n’est pas normal que des élus puissent refuser de marier des couples homosexuels. Ce n’est pas de la “liberté de conscience”. C’est de l’homophobie. Tout comme refuser de marier des juifs serait de la xénophobie ou refuser de marier des noirs du racisme.

Il n’est pas normal de laisser des opposants menacer des sénateurs dans une démocratie. Il n’est pas normal de laisser des intégristes prier dans les rues en pays laïque. Il n’est pas normal de laisser les homosexuels se faire insulter quotidiennement, dans la rue, dans des vidéos ou sur des réseaux sociaux. Car ce laisser-aller donne aux opposants à ce projet de loi un sentiment d’impunité.

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Non, lutter contre le droit des homosexuels n’est pas un jeu, comme semblent le croire les jeunes du Printemps français qui riaient et se prenaient en photo, sourire aux lèvres, quand ils se sont fait arrêtés devant le domicile de Chantal Jouanno.

Monsieur le Président de la République, Madame la Garde des Sceaux, Madame la ministre de la famille, Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs, nous vous sommes reconnaissants pour la défense de ce texte de loi, mais s’il vous plaît, condamnez ces agissements avec fermeté !

Oui à la liberté d’expression. Oui aux débats. Mais non aux méthodes et aux dérives que nous vivons aujourd’hui. La liberté d’expression n’a de sens que si on respecte avant tout la Démocratie.