GPA, PMA et fin de vie : Les positions du gouvernement

Une grande mobilisation est prévue ce week-end. Comprenez-vous les inquiétudes d’une partie des Français sur les questions éthiques et sociétales ?

Manuel Valls : Manifester est un droit constitutionnel. La famille et les questions éthiques sont des sujets graves qui touchent à l’intime et aux croyances. Ils ne peuvent pas obéir à la caricature et aux inexactitudes.

Je comprends les inquiétudes et suis respectueux des convictions. Notre société est suffisamment fracturée pour que chacun d’entre nous cherche l’apaisement. La société française a été et reste très largement favorable au mariage pour tous. Personne ne reviendra sur cette avancée, mais le débat a été très long, des responsables des cultes ont eu le sentiment de ne pas être bien traités.

Peut-être avons-nous sous-estimé, à l’époque, le fait que dans une période de crise économique, de crise de confiance, de crise d’identité, ces débats pouvaient faire surgir des courants politiques, notamment de l’extrême droite, qui ont cherché à se reconstituer sur le dos de ceux – nombreux – qui avaient des convictions sincères.

L’un des motifs de la mobilisation est la gestation pour autrui. L’interdit de cette pratique en France est-il à vos yeux fondamental ?

M. V. : Il faut affirmer des positions claires : la GPA est et sera interdite en France. C’est le choix très ferme du président de la République et de son gouvernement. La France n’a jamais varié sur ce sujet.

Elle est opposée à la légalisation de la GPA qui est, il faut le dire, une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes.

En juin dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour ne pas avoir reconnu la filiation d’enfants nés par gestation pour autrui (GPA). Comment respecter cet arrêt tout en maintenant l’interdit de la GPA ?

M. V. : La France n’a pas fait appel de cette décision car notre droit national, c’est-à-dire l’interdiction, n’est pas remis en cause. En revanche, la CEDH nous demande de veiller à ce que les enfants nés de mères porteuses jouissent de conditions d’existence conformes à leur intérêt.

Ces enfants, en effet, ne sont pas responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent. Il y a donc trois questions en suspens que nous devons traiter : celle de leur protection (quel substitut à l’autorité parentale ?), celle de leur droit à hériter, celle de leur nationalité. Ces questions sont trop graves pour être envisagées dans l’urgence. Nous nous laissons le temps de la réflexion, dans l’intérêt des enfants et des familles.

En tout état de cause, le gouvernement exclut totalement d’autoriser la transcription automatique des actes étrangers, car cela équivaudrait à accepter et normaliser la GPA. J’ajoute qu’il est incohérent de désigner comme parents des personnes ayant eu recours à une technique clairement prohibée… tout en affirmant qu’ils sont responsables de l’éducation des enfants, c’est-à-dire chargés de la transmission de nos droits et de nos devoirs.

Il ne faut pas laisser dire non plus que ces enfants sont sans filiation ni identité. Ils ont une filiation et une identité, mais établies à l’étranger.

La GPA est légale dans d’autres pays. Dès lors, la France peut-elle lutter seule ?

M. V. : Non. Il faut rappeler la responsabilité de tous les États dans la lutte contre la commercialisation des êtres humains. La France entend promouvoir une initiative internationale qui pourrait aboutir, par exemple, à ce que les pays qui autorisent la GPA n’accordent pas le bénéfice de ce mode de procréation aux ressortissants des pays qui l’interdisent.

À la demande du président de la République, Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, prendra dans les semaines qui viennent des initiatives pour trouver le cadre approprié. C’est une action de long terme.

Le député UMP Jean Leonetti propose de poursuivre en justice les parents recourant à la GPA et de lutter plus activement contre les filières. Le soutenez-vous ?

M. V. : Je comprends et je partage sa volonté d’empêcher absolument le recours à ce mode de procréation. Nous sommes déterminés à renforcer la répression des entremetteurs qui organisent, en réalité, un marché de l’humain, à la fois très organisé et très lucratif.

Nous devons nous attaquer à ces filières, à ces officines qui chassent sur le territoire des États interdisant la GPA pour acquérir des parts de ce marché de l’humain de plus en plus attractif. Faut-il pour autant, comme Jean Leonetti le propose, rendre les parents passibles de prison ? Non, ce n’est pas une réponse efficace.

Excluez-vous définitivement l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes durant le quinquennat ?

M. V. : Contrairement à la GPA, qui est et sera prohibée parce qu’elle instaure une commercialisation de l’humain, la PMA n’est pas interdite aux couples hétérosexuels rencontrant des problèmes médicaux. Elle n’est en revanche pas ouverte aux couples de même sexe.

La position du gouvernement sur ce sujet est claire : nous n’avancerons pas plus loin sur cette question tant que nous n’aurons pas l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

Depuis deux ans, les familles ont été rudement mises à contribution sur le plan budgétaire. Ne craignez-vous pas que cela ait un impact négatif sur la démographie ?

M. V. : Je crois que la démographie obéit à d’autres considérations, plus profondes, qui ne sont pas liées à la politique familiale, même si celle-ci joue un rôle. Le budget qui va être proposé pour 2015 est sans doute le plus important du quinquennat parce qu’il amorce une rupture courageuse avec les mauvaises habitudes prises depuis trente ans. Faire des économies, c’est vital.

Les Français sont prêts à faire des efforts pourvu qu’ils soient justes. J’ajoute que, dans les 21 milliards d’économies, la politique familiale ne porte qu’une très faible part, avec près de 700 millions d’euros.

Les choix que l’on a faits pourront être discutés au Parlement, mais je ne laisserai pas dire que ce gouvernement mène une politique hostile aux familles. Nos choix ne remettent pas en cause la politique familiale, dont le budget global est de 80 milliards d’euros.

Sur la fin de vie, une mission parlementaire est en cours. Présenterez-vous un projet de loi sur ce sujet en 2015 ?

M. V. : Il faut sortir ce débat de l’arène politique traditionnelle. Nous attendons les conclusions de la mission parlementaire menée par Alain Claeys et Jean Leonetti. Nous verrons bien si cela doit nous conduire, ou pas, à légiférer.

Vous dites que la société française est divisée. On a parfois l’impression que sur tous ces sujets, chacun réclame la reconnaissance de ses droits individuels au mépris des conséquences pour l’ensemble de la société.

Qu’en pensez-vous ?

M. V. : Je crois que, dans ces moments de crise d’identité, la famille est un repère, un pôle de stabilité. Elle a évolué, certes, et c’est notre rôle que de l’accompagner. Mais en même temps, la famille, la filiation et l’intérêt de l’enfant doivent rester des repères fondamentaux.

Dans un monde ouvert où tout s’achète, où tout se vend, où les valeurs et les principes ne sont pas suffisamment hiérarchisés, le rôle de la loi, c’est de poser des limites, de garantir un socle de principes qui organisent la vie en société. C’est la philosophie de mon gouvernement.

RECUEILLI PAR MARIE BOETON, DOMINIQUE QUINIO ET FLORE THOMASSET