Éducation : amplifions la lutte contre les LGBTphobies !

“Refondation de l’École”, “ABCD de l’égalité“, “Grande mobilisation pour les valeurs de la République”: depuis 2012, les projets pour l’École affichent l’ambition de construire une École plus juste dans laquelle l’Égalité serait une réalité pour permettre la réussite de tou-tes les élèves. Aujourd’hui, dans cette École, quelle est la place des jeunes lesbiennes, gays, bi-es et trans (LGBT) ou de jeunes qui s’interrogent sur leur orientation sexuelle, leur identité de genre?

En juillet 2013, dans la continuité du “programme d’actions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre”, Michel Teychenné remettait au ministre de l’Éducation nationale un rapport intitulé “Discriminations LGBT-phobes à l’École, États des lieux et recommandations”. Vincent Peillon déclarait alors: “L’homophobie, qui contredit le droit à l’éducation de tous, le droit à la protection contre toutes les formes de violence, qui conduit souvent à une détresse psychologique qui mène jusqu’au suicide, ne doit plus être banalisée”. Nous avons donc pensé que les choses allaient enfin changer.

Et depuis? Aucune mesure concrète n’a été prise pour lutter contre les LGBTphobies à l’École. Pire, les rares actions menées ont été marginalisées, ou leur portée réduite, comme la campagne annuelle menée par le ministère de l’Éducation depuis 2010 et relayant vers Ligne Azur.

Pourtant, partout dans les écoles, collèges, lycées, universités, les jeunes LGBT ou présumé-es l’être sont les cibles potentielles de moqueries, insultes, rejet, harcèlement, violences. Le rapport Teychenné le rappelait: “Les conséquences néfastes de l’homophobie sur le bien-être des jeunes concerné-es ne sont plus à démontrer”, perte d’estime de soi, peur, isolement, échec scolaire, dépression et, parfois, suicide.

Auprès de qui ces personnes peuvent-elles trouver de l’aide? Au sein de nombreuses familles, l’homosexualité est un non-dit, parfois un facteur de rejet. A l’École, les questions de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre restent trop souvent taboues. Les jeunes LGBT, découvrant les sentiments amoureux, la sexualité, sont ainsi trop souvent seul-es pour faire face à leurs interrogations.

Monsieur le Premier ministre, nous prenons acte de votre volonté de “donner à tous les enfants de la République, sans distinction, les moyens de réussir“. Madame la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, nous prenons acte de votre promesse de “printemps citoyen”, et votre rappel de l’importance de l’éducation à la citoyenneté, à la “non discrimination”, au “respect de la dignité de la personne”.

Assez de mots! Nous appelons aujourd’hui les pouvoirs publics à enfin mettre en place une politique ambitieuse de lutte contre les LGBTphobies à l’École et dans les universités !

Les programmes scolaires de l’école élémentaire et du collège vont être réécrits. L’enseignement moral et civique vient d’être défini. Au même titre que les autres discriminations, les LGBTphobies doivent y être clairement mentionnées. Il est temps d’en finir avec les stéréotypes sur les personnes LGBT, les représentations univoques du sentiment amoureux, temps de favoriser la connaissance de la pluralité des familles! L’État doit veiller à ce que ces sujets soient traités dans tous les établissements, publics et privés sous contrat, et fournir aux équipes pédagogiques et éducatives des ressources permettant d’aborder ces contenus d’enseignement légitimes avec la rigueur nécessaire.

Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) doivent former à la lutte contre les LGBTphobies tous les personnels de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, en s’appuyant sur des travaux universitaires, à encourager, et en inscrivant la lutte contre toutes les discriminations dans le tronc commun de formation.

Le partenariat avec les associations agréées est précieux; leur expertise accompagne les personnels dans leurs missions. Les associations de parents d’élèves sont quant à elles des interlocutrices privilégiées pour informer et sensibiliser les familles.

Ces mesures simples et concrètes exigent en revanche une réelle volonté. Madame la ministre, soyez à la hauteur de vos déclarations, soyez à la hauteur du courage dont, chaque jour, les personnes lesbiennes, gays, bi-es et trans doivent faire preuve pour trouver leur place à l’école et dans notre société.

Par Nathalie Allain Djerrah (Présidente des Enfants d’Arc en Ciel), Sylvie Tissot (Professeure de science politique à l’Université Paris 8) et Gaël Pasquier (Maître de conférences en sociologie à l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education de Créteil).
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