Discriminations dans l’emploi : « les victimes sont deux fois plus nombreuses à se défendre qu’en 2013 »

Chaque année, le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) publient conjointement un baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi. Cette 13ème édition, publiée mardi 1er décembre, explore les enjeux d’interdépendance des attitudes hostiles au travail et met en lumière de manière inédite leurs conséquences sur les individus et leurs parcours professionnels.

Les trois quarts de la population active ayant été confrontée à une discrimination, déclarent avoir entrepris des démarches à la suite des faits, soit un doublement depuis 2013. Parmi le quart qui n’ont rien dit, 68% évoquent la peur de représailles, 60% indiquent qu’elles ne savaient pas quoi faire et 56% pensent que cela n’aurait rien changé.

Cette enquête – conduite par téléphone du 6 février au 14 mai 2020 par l’institut BVA auprès de deux échantillons représentatifs de 590 salariés et de 500 agents de la fonction publique, constitués selon la méthode des quotas – s’intéresse à quatre types de comportements hostiles au travail :

  • les préjugés et stéréotypes, certaines catégories de personnes apparaissent particulièrement stigmatisées : les personnes transgenres (17% des personnes interrogées sont moins à l’aise avec des collègues transgenres), issues des gens du voyage (13%) ou atteintes d’une maladie grave (13%)
  • les situations de dévalorisation au travail (sous-estimation des compétences, attribution de tâches inutiles, ingrates ou dévalorisantes, tentative d’humilier ou de ridiculiser, sabotage du travail…) sont rapportées par près de 80% des personnes actives au cours de leur vie professionnelle
  • les propos et comportements stigmatisants : 41% des personnes interrogées déclarent avoir déjà été victimes d’au moins un propos ou comportement sexiste, homophobe, raciste, lié à l’état de santé, au handicap, à la religion ou à d’autres caractéristiques personnelles au travail
  • les discriminations et le harcèlement discriminatoire dans l’emploi, vécues par près d’un quart de la population active

Au-delà de ces données préoccupantes, l’enquête met en évidence la dynamique des discriminations au travail dont l’ampleur résulte de l’effet conjugué d’attitudes empreintes de préjugés et de stéréotypes et de pratiques inégalitaires auxquels sont plus particulièrement exposés certains groupes sociaux.

Ainsi, 24% des personnes ayant déclaré une attitude hostile rapportent avoir été confrontées à la fois à des formes de dévalorisation au travail, des propos ou comportements stigmatisants et des discriminations. Inversement, preuve que les discriminations ne surviennent jamais isolément, seules 0,1% des personnes ont déclaré avoir été victimes de discrimination sans mentionner d’autres faits.

26% des personnes interrogées estiment qu’elles sont « souvent » ou « très souvent » discriminées en fonction de leur orientation sexuelle. 54% supplémentaires considèrent qu’elles sont discriminées « parfois » ou « rarement ». Pour 17% des sondés, les LGBT ne sont « jamais » sujets de traitements défavorables.

Cette 13ème édition montre également pour la première fois les conséquences délétères et durables de ces expériences répétées sur les individus et leurs parcours de vie.
Près de la moitié des personnes actives ayant déclaré avoir été victimes de discriminations ont connu des conséquences négatives sur leur emploi. 19% ont été licenciées ou non renouvelées après les faits et 14% ont reçu un avertissement ou un blâme, ou bien ont été mutées contre leur gré. Au-delà de l’emploi, ces expériences peuvent également engendrer des séquelles émotionnelles, psychologiques et physiques, ainsi qu’une altération des relations familiales et sociales. Près de la moitié évoquent notamment un sentiment de fatigue, de tristesse, de déprime ou une dégradation de l’état de santé.

Ces conséquences s’inscrivent dans la durée et viennent bouleverser des trajectoires de vie : 70% des personnes victimes de discrimination dans l’emploi pensent qu’il est probable ou certain qu’elles en soient à nouveau victime au cours de leur carrière et 22% ont renoncé à soumettre leur candidature à une offre d’emploi qui était pourtant en adéquation avec leurs compétences au cours des cinq dernières années, que ce soit en raison de leur sexe, de leur âge, de leur origine, de leur religion, de leur état de santé ou d’un handicap, de leur apparence physique ou de leur orientation sexuelle.

Ces résultats viennent plus que jamais conforter l’importance pour les entreprises et les administrations de s’engager pleinement dans la lutte contre les discriminations, prenant en considération à la fois la multiplicité des comportements hostiles au travail, leur dimension systémique et les situations particulières de certains groupes qui y sont surexposés.