Coup de froid entre Moscou et Washington autour d’un programme d’échange scolaire non conforme aux « traditions russes »

La Russie a mis fin, mardi 30 septembre au plus vieil échange scolaire avec les États-Unis en accusant les responsables du programme d’avoir violé la loi et autorisé un adolescent russe à rester en Amérique sous la garde d’un couple homosexuel.

Connu sous le nom de Future Leaders Exchange (FLEX), ce programme, mis en place en 1992, a permis jusqu’ici à quelque 8 000 jeunes russes d’étudier dans plus de cinquante Etats aux États-Unis.

Cette décision intervient dans un contexte très tendu entre les deux pays après l’annexion de la Crimée par la Russie et le conflit dans l’est de l’Ukraine qui oppose Kiev et des séparatistes pro-russes soutenus par le Kremlin. Fin août, une douzaine d’établissements de la chaîne McDonald’s ont fermé leurs portes sur le territoire russe après des inspections de Rospotrebnadzor, le service de contrôle sanitaire, qui a mis en avant des « plaintes de consommateurs ».

« L’ENFANT EST ISSU D’UNE FAMILLE DÉCENTE »

« Un enfant, qui a une mère en Russie, a été illégalement placé sous la garde d’un couple gay américain », a affirmé mercredi le délégué aux droits des enfants auprès du Kremlin, Pavel Astakhov, selon des propos rapportés par l’agence TASS. « L’enfant est issu d’une famille décente, et en bonne santé », et les arguments qui ont motivé les États-Unis à l’autoriser à rester en Amérique « ne sont pas clairs », a-t-il poursuivi.

La Russie ne reconnaît pas les mariages entre personnes de même sexe et a interdit les adoptions d’enfants vers des pays qui autorisent légalement ce genre d’union. Quelques instants plus tôt, M. Astakhov avait écrit sur son compte Twitter que l’une des raisons qui ont incité Moscou à prendre cette décision était que les États-Unis n’avaient pas respecté le « retour inconditionnel des étudiants russes à l’issue de leur année (d’étude) » dans leur pays d’origine.

Approuvé par le Congrès américain dans le cadre du Freedom Support Act, FLEX permettait à de jeunes Russes, hébergés dans des familles, de venir étudier un an aux États-Unis tout en percevant une petite allocation.

Dans un bref message posté sur son site internet, l’ambassade américaine à Moscou a indiqué avoir été informée mardi soir de la décision russe d’annuler sa participation pour l’année 2015-2016 et « regretté sincèrement » la suspension du programme d’échange, « qui a contribué pendant 21 ans à créer des liens forts entre les Russes et les Américains ».

En moins de 24 heures, un millier de jeunes Russes qui avaient travaillé en vue du concours, ont signé une pétition pour protester contre la décision de Moscou.

Dans un entretien au journal Rossiskaya Gazeta publié jeudi 2 octobre, le délégué aux droits des enfants du Kremlin affirme qu’« au moins 15 enfants » envoyés dans le cadre d’échanges variés, culturels ou même touristiques, ne sont pas rentrés des Etats-Unis. « Un enfant est allé passer un été dans une famille américaine et est resté, sans papiers, ni statut officiel. Aujourd’hui, ils sont au moins 15 enfants dans ce cas. Nous travaillons dessus », indique-t-il.

Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
Journaliste au Monde