Au Canada, les homosexuels peuvent dorénavant donner du sang mais après un an d’abstinence

Depuis ce lundi 15 août, un homme ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme pourra faire un don de sang au Canada, un an après son dernier rapport et non plus cinq, comme le prévoyait la législation de 2013.

L’exclusion était autrefois imposée à vie. Mais Santé Canada n’ayant noté aucune augmentation du nombre de dons de sang contaminé par le VIH, le délai a finalement été réduit, comme annoncé en juin par le ministère de la Santé, « après un examen rigoureux des plus récentes données scientifiques. »

Le pays rejoint ainsi les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Angleterre, l’Ecosse et bien évidemment la France, qui a levé l’interdiction en juillet.

Mais la mesure demeure discriminatoire et tout aussi irréaliste, fait remarquer sur Radio-Canada le Dr Mark Wainberg, directeur du Centre SIDA McGill à Montréal :

« C’est un effort de la part des agences de dons sanguins pour paraître libérales, mais en réalité, rien n’a changé », et cette réduction de la période d’exclusion n’incitera pas pour autant les gays à donner du sang, estime t-il : « les hommes qui s’abstiendront de relations sexuelles pendant cinq ou un an n’existent pas. »

Si l’on pouvait douter de l’efficacité des premiers tests, au fil des années, le dépistage du VIH s’est perfectionné, souligne le microbiologiste, et il y a désormais « plusieurs mesures en place pour prévenir une infection chez une personne qui reçoit une transfusion sanguine : Si un donneur est contaminé, nous allons trouver ses dons de sang en tout temps et ils ne seront jamais utilisés. Le risque d’être infecté est très minime ». En 2016, on peut le réaliser neuf jours après exposition.

Alors que la prévalence d’infection au virus est de 0,2 % dans la population canadienne, elle varie entre 2 % et 12 % chez les gays, selon Héma-Québec. « La plupart des gens infectés s’excluent grâce au questionnaire de sélection ou ne se présentent tout simplement pas. »

La solution du Dr Wainberg serait d’inclure les homosexuels qui sont dans une relation stable depuis un an. « Cela représenterait une étape qui aurait du bon sens et qui permettrait de recruter beaucoup d’hommes comme donneurs », mentionne-t-il. « Pourquoi ne pas éliminer une politique qui non seulement discrimine les homosexuels, mais qui les stigmatise ? »

« On ne peut pas changer ça sans autorisation », rappelle toutefois le Dr Delage, qui travaille depuis plusieurs années à intégrer les hommes homosexuels comme donneurs de sang. « En tant que fabricant de produits biologiques, [Héma-Québec] ne peut opérer qu’avec la licence de Santé Canada. Il faut se plier à leurs règles, dont celles sur la sélection du donneur… Ceux en couple présentent un risque très faible, similaire au reste de la population et le défi, c’est d’être capables d’identifier ces gens-là. »

Cette nouvelle politique établit aussi un cadre pour les personnes transgenres. Alors qu’auparavant chaque situation était évaluée au cas par cas, les règles diffèrent maintenant en fonction du sexe et de l’orientation sexuelle des donneurs .

« Par exemple, une femme transgenre qui a des relations avec un homme devra attendre au moins un an pour pouvoir donner son sang », lit-on sur le site internet de la Société canadienne du sang.

C’est le cas de Riki Dubois, 54 ans. Cette Winnipégoise ne pourra pas non plus le faire, à moins d’être « chaste » toute l’année ou se faire opérer « afin de se munir d’un appareil génital féminin. » Aux yeux de la Société canadienne du sang, cette femme est en effet considérée comme une personne homosexuelle, car elle entretient des rapports sexuels avec un homme.

Le Canada pourrait-il un jour se défaire de cette année d’abstinence ?

« Peut-être, mais cela se fera en toute connaissance de cause », répond Héma-Québec. Plusieurs chercheurs de renommée mondiale se réuniront d’ailleurs en janvier pour débattre de la question au Canada. Les agences de sang canadiennes en apprendront plus sur « ces pionniers et leur expérience parfois inégale ».

Joëlle Berthout
stophomophobie.org