Agréments en poche, de premiers couples homo confrontés aux épreuves de l’adoption

Cela a pris neuf mois, un “symbole”. Thomas et son mari font partie des premiers couples homosexuels à avoir obtenu récemment un agrément pour adopter un enfant mais cette première étape, essentielle, reste loin de la fin du parcours.

“Pour nous, les plus gros problèmes se posent clairement après l’agrément”, raconte ce photographe parisien de 36 ans. Plus de seize mois après l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homo, seuls quelques agréments ont été accordés à Paris et dans les Bouches-du-Rhône mais aucun couple de même sexe n’a encore adopté d’enfant.

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Les voies possibles sont en effet très réduites: les chances d’adopter en France sont quasiment inexistantes et à l’étranger, seule une poignée de pays permet l’adoption par des couples homosexuels (le Brésil, l’Afrique du Sud et quelques Etats des Etats-Unis).

Une situation dénoncée par l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens, qui évoquent l'”impasse” dans laquelle se trouvent les couples homo, coincés entre “l’homophobie institutionnalisée des pays étrangers qui n’autorisent pas l’adoption par des couples de même sexe, et les pratiques homophobes des conseils de famille en France qui ne donnent aucune chance à ces couples de se voir confier un enfant pupille de l’Etat”.

“Quand on repense à toutes ces choses fausses qui ont été dites pendant les débats sur le mariage pour tous et notamment que tous les couples d’hommes allaient adopter de petits bébés, c’est délirant. Et c’est surtout complètement faux quand on voit la réalité de l’adoption aujourd’hui”, complète Laurent, jeune trentenaire lui aussi, avec son mari Guillaume, tout récemment titulaire du fameux sésame.

– “De la poudre aux yeux” –

“Même pour un couple hétéro, il est aujourd’hui très compliqué d’adopter un enfant en bas âge et en bonne santé. Pour un couple homo, c’est donc complètement impossible”, précise-t-il, même s’il continue à affirmer qu'”il ne veut pas perdre espoir”.

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Quelle que soit l’orientation sexuelle, il est en effet de plus en plus difficile d’adopter. D’après les derniers chiffres, en France 20.000 agréments sont en cours de validité alors que seulement 700 pupilles de l’Etat et 1.500 enfants étrangers sont adoptés chaque année. En 2006, l’adoption internationale concernait deux fois plus d’enfants.

Selon les associations et les couples interrogés par l’AFP, pour les familles homo, les seuls enfants “adoptables” sont donc des fratries souvent avec des enfants déjà âgés ou des enfants “à besoin spécifique”. Cela signifie un enfant handicapé ou, le plus souvent, malade (VIH, hépatite…).

“Après une longue réflexion, nous sommes prêts aujourd’hui à accueillir un enfant malade, mais nous souhaitons que cela soit une maladie traitable”, explique Thomas, qui a passé du temps à l’hôpital Necker avec des enfants malades et des médecins pour se préparer.

“Tout cela prend beaucoup de temps et d’énergie et nous alternons les phases de désespoir avec de rares moments d’éclaircies”, confie, de son côté, une femme qui vit dans les Bouches-du-Rhône. “Selon l’endroit où vous habitez rien que l’agrément est compliqué. Quand pour constituer notre dossier, nous nous sommes retrouvées face à une psychologue très orientée, ce fut une épreuve terrible et déstabilisante.”

“Comment pouvons-nous convaincre que nous pouvons être de bonnes mères face à quelqu’un qui a décidé du contraire sans nous voir?”, s’interroge-t-elle. “On a donné l’adoption aux couples homo mais tout cela c’est de la poudre aux yeux. En réalité, très peu de couples pourront adopter.”

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