Afrique : Encore trop d’Etats africains assimilent l’homosexualité à un crime, selon Amnesty

Encore trop d’Etats africains ignorent leurs obligations internationales, en tolérant voire encourageant la discrimination contre les homosexuels, notamment par le maintien de lois répressives héritées de l’âge colonial, indique Amnesty International dans un rapport.

L’ONG, dont le rapport est présenté mardi à Johannesburg, enregistre sur le continent “un nombre croissant de témoignages de personnes harcelées, marginalisées, discriminées ou agressées en raison de leur orientation sexuelle, réelle ou supposée”, surtout là où le code pénal punit les relations amoureuses entre adultes consentants du même sexe.

“Les Etats ont l’obligation de protéger tous les membres de la société (…) mais dans la majorité des cas, ils faillissent à leur mission”, souligne Amnesty. “Dans plusieurs pays, la haine et les préjugés sont attisés par des leaders politiques, souvent par intérêt politique” et “dans beaucoup de pays, ce sont des leaders religieux, parfois influencés par des Eglises basées aux Etats-Unis, qui contribuent au climat de peur et de rejet”, poursuit Amnesty.

“Cela doit changer”, ajoute l’ONG, notamment pour éviter un isolement sur la scène internationale.

Le Cap Vert a devancé l’appel et peut s’honorer d’avoir fait évoluer sa législation en 2004. Les îles de Maurice, des Seychelles et de Sao Tome y songent également.

Mais l’homosexualité reste en revanche passible des tribunaux dans 38 pays africains, et même de la peine capitale (Mauritanie, Soudan, nord du Nigeria et sud de la Somalie) ce qui constitue “une grave source de préoccupation”, souligne Amnesty. D’autant qu’on assiste à une volonté d’aller vers un durcissement depuis dix ans, notamment en Ouganda, au Burundi ou au Nigeria, à rebours de ce qui se passe depuis les années 1980 en Occident.

Changer la loi est essentiel, explique le Kenyan Jackson Otieno, 29 ans, leader du Glack (Gay and Lesbian Coalition in Kenya) car “l’existence de la loi offre à la société des justifications” pour mal agir envers les homosexuels.

Son association est contactée au moins cinq fois par semaine par des personnes victimes d’un piège puis d’un chantage sur la base de photos compromettantes. Ou de policiers véreux réclamant de l’argent pour classer sans suite une fausse plainte pour viol.

Au Cameroun, le simple soupçon d’homosexualité peut conduire à se faire interpeller puis à subir un examen anal forcé dans le but d’obtenir des preuves, selon le rapport.

Même dans les pays africains (seize) où l’homosexualité n’a rien d’illégal et où les homosexuels ne devraient pas avoir peur, les problèmes perdurent.

L’Afrique du Sud, pays le plus libéral où les homosexuels sont sur un strict pied d’égalité pour le mariage et l’adoption, a été le théâtre d’au moins sept meurtres homophobes entre juin et novembre 2012, majoritairement des lesbiennes.

Au passage, l’ONG bat en brèche la grande idée reçue véhiculée par de nombreux dirigeants africains selon laquelle l’homosexualité serait étrangère aux sociétés traditionnelles locales.

“Dans la plupart des pays, les lois criminalisant les relations avec le même sexe sont un héritage du colonialisme”, écrit Amnesty et en Afrique comme ailleurs, l’existence de l’homosexualité est attestées par les historiens comme le mariages entre femmes pratiquées dans plus de 40 ethnies.

(Source AFP)