Humilié et roué de coups par des badauds parce qu’il est homosexuel et se travestit

La Côte d’Ivoire est plus ou moins divisée entre deux religions: le christianisme au sud et l’islam au nord. Mais si un point les rallie, c’est bien la haine des homosexuels. Pourtant, la loi ne condamne ni l’homosexualité ni les actes homophobes. C’est un vide total livré à l’appréciation de chacun. On peut donc s’affranchir en tant que personne LGBT, tout en étant certain de risquer le pire ! Et c’est malheureusement le cas de ce jeune travesti, pris au piège par une vingtaine de personnes qui vont le martyriser, pour finalement l’abandonner nu sur la voie publique. Et, personne ne viendra le soutenir.

Selon des témoins qui n’indiquent ni la date, ni l’endroit précis des faits, la scène s’est produite dans la commune de Yopougon. Et, sur une vidéo transmise au site KOACI pour dénoncer ces agressions «discrètes» qui se multiplient dans le pays, la victime déroutée essaie de se débattre, en interpellant les badauds : «Mais pourquoi vous faites ça, qu’est-ce que je vous ai fait ?». Réponses sans équivoques, tandis qu’ils le déshabillent, en incitant un peu tout le monde à filmer : «Tu es un sauvage… tu es un gars… oh, regardez sa pine… vas-y, montrez sa teub, tu as une jolie pine…»

De tels actes ne peuvent pas rester sans conséquence. Un gouvernement est censé protéger tous ses concitoyens. Surtout qu’Abidjan n’a pas toujours été aussi hostile aux «branchés», comme la communauté LGBT s’est elle-même baptisée.

Avant la crise post-électorale de 2010-2011 qui fit près de 3000 morts, la rue Princesse et la rue Prince, deux artères adjacentes du quartier de Yopougon, étaient le poumon des nuits abidjanaises. C’était le fief des proches du régime de Laurent Gbagbo (2000-2011), qui venaient y flamber leur argent. Clubs gays et travesties jouxtaient les lieux fréquentés par tous. Mais le nouveau gouvernement a détruit ce fief de l’opposition au bulldozer. Et, depuis, les LGBT se sont éparpillés dans des bars discrets aux quatre coins de la ville. Et les travestis se sont repliés sur la «rue des serpents», mythique pour ses prostituées qui sifflent les clients. Il y a deux ans, elles étaient bien en vue. Maintenant, elles se font plus discrètes devant le harcèlement et les agressions des policiers et des riverains.

Et, si d’autres en ont fait leur cheval de bataille, le président Alassane Ouattara ne se prononce pas sur la question alors qu’il dirige un des rares pays africains à ne pas pénaliser l’homosexualité, acceptée depuis des siècles par plusieurs ethnies ivoirienne. Mais il semble qu’il soit plus simple d’oublier que ce sont surtout les lois criminalisant l’homosexualité qui ont été importées en Afrique.

Pensées et solidarité avec nos amis de l’association «woubi international» et Barbara de «Côte d’Ivoire».

Terrence Katchadourian
avec source lapresse.ca