Vatican Les revendications d’ouverture sur les questions de société pèseront sur le Conclave

Le Conclave qui élira le prochain pape entendra-t-il les revendications venant d’un bon nombre de catholiques pour une plus grande ouverture sur le rôle des femmes, la déculpabilisation de l’homosexualité, la reconnaissance des couples non mariés et des divorcés ?

Les cardinaux électeurs, conservateurs en majorité, se réuniront dès début mars en “congrégations générales” pour préparer le Conclave : un moment privilégié en vue de déterminer le profil du futur pape à la lumière des multiples défis qu’affronte l’Eglise.

En expliquant à l’annonce de sa démission qu’il n’avait plus la capacité de répondre à un “monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi”, Benoît XVI avait certainement en tête, entre autres, ces sujets de société qui font l’objet d’une fronde croissante au sein des Eglises occidentales, et de plus en plus latino-américaines et asiatiques.

Les femmes qui sont majoritaires dans les églises n’ont pas de droits à la hauteur de leurs responsabilités, l’Eglise et surtout le Vatican restent dominés par les hommes.

La question de l’homosexualité est par ailleurs une bombe à retardement, les homosexuels catholiques n’acceptant plus d’être considérés comme des pêcheurs, même s’ils sont plus respectés qu’autrefois. D’autant que les cas d’homosexualité dans le clergé font de temps à autre des remous : c’est apparemment pour des “actes inappropriées” homosexuels que le primat d’Ecosse, Keith O’Brien, a dû démissionner, et la presse italienne a évoqué un prétendu “lobby gay” au Vatican.

La majorité des jeunes catholiques vivent aujourd’hui en couple avant de se marier, sans se sentir coupables : une réalité dont l’Eglise doit aussi tenir compte.

Les divorcés remariés, qui n’ont pas le droit de communier, se sentent exclus de l’Eglise, même si Benoît XVI a insisté pour dire qu’ils ne le sont pas. Une évolution est possible sous un prochain pontificat.

Une réforme souvent réclamée et qui pourrait aussi aboutir sous un prochain pontificat est la possibilité donnée à des hommes mariés de devenir prêtres : un certain nombre d’évêques ont discrètement plaidé en faveur d’une évolution.

Toutes ces doléances ont d’autant plus d’échos que le message très exigeant et moraliste de l’Eglise sur la chasteté, la pureté et la valeur du célibat a été contredit par l’énorme scandale des prêtres pédophiles.

Face à toutes ces revendications, les évêques n’ont pas de réponses simples, mais c’est surtout le ton qui doit changer, pour résorber la fracture avec toute une partie de la jeunesse. Une évolution esquissée par divers gestes et propos à la fin du pontificat de Benoît XVI.

Andrea Tornielli, un vaticaniste, souligne la nécessité d’un message de “sympathie” avec le monde. Ce sera l’une des missions du nouveau pape que de le trouver.

Le message posthume du cardinal de Milan et porte-parole du camp réformiste dans l’Eglise, Carlo Maria Martini, mort l’été dernier, est toujours actuel. Il avait estimé que l’Eglise “avait 200 ans de retard” sur certains sujets et “devrait présenter ses excuses pour ce qu’elle a dit dans le passé sur la sexualité”, a rappelé le père jésuite autrichien Georg Sporschill.

Les dogmes ne suffisent pas, il faut “une capacité d’écoute, face aux demandes des jeunes, des familles élargies, des non croyants”, a indiqué ce proche de Mgr Martini.

La démarche de ce cardinal continue d’avoir un fort impact dans l’Eglise parce qu’il n’était pas en rébellion contre Rome, mais demandait le changement de l’intérieur, faisant des propositions réalistes et “admettant la contradiction”.

Les cardinaux devraient chercher un pape capable de dialogue avec le monde moderne. Néanmoins, ce ne sera pas un révolutionnaire : l’héritage que laisse Benoît XVI est la sécurité doctrinale et l’intangibilité de la défense de certaines valeurs, notamment les “non” à l’avortement, à l’euthanasie, aux manipulations génétiques, au mariage des homosexuels.

On ne peut guère s’attendre par exemple à ce que le nouveau pape dise “oui” à ce type d’union. Toutefois, il pourrait avoir une attitude de compréhension et non de rejet des personnes qui ne suivent pas les dogmes.

“Papabile” très en vue, le cardinal de Manille Luis Antonio Tagle avait ainsi dit en octobre : “je réalise que les souffrances auxquelles font face les gens et les questions difficiles qu’ils posent sont une invitation à être d’abord solidaires avec eux, pas à leur dire que nous avons la réponse à toutes les questions”.