Témoignage : Au Cameroun, le dur combat d’un jeune homosexuel qui s’assume !

“Un homophobe de mon quartier m’a giflé et roué de coups jusqu’à ce qu’un passant vienne me secourir”, raconte, les larmes aux yeux, Laurent Xavier Balla, homosexuel camerounais de 23 ans, l’un des rares à témoigner à visage découvert dans son pays.

Cette agression est la quatrième à laquelle il fait face dans le quartier où il vit avec sa mère, sans compter les prises à partie et autres remarques.

Au Cameroun, les relations entre personnes de même sexe sont considérées comme un délit pénal et les homosexuels risquent jusqu’à 5 ans de prison ferme. En 2011, quatorze condamnations ont été prononcées dans ce pays où la société reste très hostile vis-à-vis des gays et lesbiennes.

“Mon agresseur m’a dit : ‘vous les pédés, on doit vous tuer, on doit vous brûler. Vous n’avez pas droit à la vie'”, poursuit le jeune homme qui milite au sein de l’Association pour la défense des droits des homosexuels (Adefho), créée par l’avocate Alice Nkom, célèbre pour son combat en faveur de cette minorité.

Bien souvent, les homosexuels camerounais sont obligés de vivre cachés.

Conscient des risques qu’il prend, Laurent Xavier Balla n’hésite pourtant pas à avouer son homosexualité mais aussi à participer à des débats à la radio et à la télévision.

“Je parle à visage découvert. Si nous (les gays) ne le faisons pas, qui le fera à notre place ? Si nous ne le faisons pas, ça restera un sujet tabou. Je n’admets pas qu’on parle mal des homosexuels. C’est mon combat”, tranche-t-il.

“J’assume ma vie à fond. Je ne veux pas prendre une image qui n’est pas la mienne ou mener une vie qui n’est pas la mienne”, précise-t-il.

“Le plus dur, c’est de se faire accepter”

L’agression du 28 avril a eu lieu lors d’une discussion animée avec des jeunes qui l’interpellaient dans la rue, à la suite d’une intervention télévisée de Me Nkom sur une chaîne locale.

Auparavant, le jeune homme avait subi une humiliation lors d’une veillée mortuaire pour un voisin de quartier.

“Ce soir-là, les jeunes se sont mis à crier ‘Balla, pédé, Balla pédé’. Comme je ne disais rien, un des jeunes s’est avancé vers moi, a arraché la bière que j’avais dans les mains et l’a versée sur moi. Toute la bande s’est alors mise à jubiler. J’avais les larmes aux yeux”, rapporte-t-il.

“Une autre fois, un groupe de jeunes m’a arraché mon téléphone et de l’argent avant de me sommer de quitter le quartier. Ils avaient des poignards et j’ai eu vraiment peur”, raconte le jeune homme qui refuse, malgré tout, de quitter le quartier.

Fabrice, lui, n’a pas eu le choix, il a dû quitter la chambre qu’il louait à Douala, dans le sud du Cameroun. “J’avais toujours réussi à dissimuler mon homosexualité jusqu’au jour où mon oncle m’a bastonné publiquement, après m’avoir aperçu avec ma ‘copine (un garçon)'”, souligne Fabrice.

Il a été alors chassé de son domicile, “ma bailleresse disant qu’elle ne pouvait pas ‘tolérer ce genre de pratiques malsaines’ chez elle. Elle a même menacé d’expulser d’autres locataires si je ne déménageais pas (…) Depuis, je dors en cachette sur mon lieu de travail”, confie-t-il.

“Le plus dur lorsqu’on est homosexuel au Cameroun, c’est de se faire accepter (…) la société ne nous laisse pas la possibilité de nous épanouir”, déplore Laurent Xavier Balla.

“C’est très risqué pour nous de vivre en couple, sous le même toit, mais il faudrait que les gens comprennent qu’on ne devient pas homosexuel. On naît comme ça et on ne peut pas être autrement que ce qu’on est”, plaide-t-il.

“Certains médecins refusent de nous soigner. Parfois, ils se fondent seulement sur le fait que vous êtes efféminé”, relève-til encore expliquant que son plus “grand espoir” est de voir le Cameroun dépénaliser les pratiques homosexuelles.

Le président camerounais Paul Biya, reçu fin janvier à Paris, avait assuré le président français François Hollande que le Cameroun n’avait “pas de problèmes de droits de l’homme” et qu’il n’avait “pas abordé” le “problème” de l’homosexualité avec son hôte. “Il y a discussion. Les esprits peuvent évoluer dans un sens ou dans un autre mais actuellement c’est un délit”, avait admis Paul Biya.