Rêve : Un récit de James L.

T’as qu’à me noyer, dans l’alcool, je vomirais mes tripes dans le caniveau.
Ton cœur s’exalte quand tu exultes sur l’asphalte, ton âme se meure à petits feux,
T’as qu’à crier, ankylosé par ce mirage dans lequel on nous jette, brouillard anthropophage,
Ton corps s’esquinte quand tu te déglingues, prêts à tout pour ne pas ressembler à tes vieux.

Tu comprends pas, j’en ai rien à foutre, t’as beau savoir comment t’y prendre, je décolle pas,
C’est comme attendre, j’y arrive pas. J’ai besoin tout, j’ai besoin ça, j’ai peur de tout, je veux pas d’toi.
Regardons nous dans le blanc des yeux, y’a qu’à saigner pour nous rendre heureux,
Et ça m’dégoute de te voir las. Comme des chiens amorphes abandonnés sur le bord d’la route prêts à s’faire piquer.

Et j’écoute pas, j’fais toujours les mêmes erreurs, à croire qu’j’aime ça, me complaindre dans le malheur.
Je sors plus le soir, j’m’endors seul devant la télé, j’ai peur du noir, j’ai pas envie qu’on me traite de pédé.
Alors j’attends, comme un cafard, de l’intérieur j’m’isole dans cette putain capitale où la haine sociale sème la terreur.
Et j’en dis quoi ? De toutes ses années perdues ? A faire le con, à chercher un sens ou perdre la raison ? Je m’dis qu’ici c’est pire qu’ailleurs, mais qu’au moins là j’ai l’occasion de m’en sortir meilleur.

Et quand je le vois, j’en perds le souffle, comme un coup de poing, je saigne, je souffre.
Y’a comme une flamme dans ses yeux, j’deviens martyr moderne sur un bûcher. La foule se meure et acclame, on souffle un peu, demain on retourne tous au bagne.

Regarde-moi. J’suis pas transparent. Regarde-moi. Si tu veux j’montre mes dents.
Ecoute-moi, j’ai plus vingt-ans. Touche-moi, si tu veux c’est moi qui prends.

Et personne parle, tout le monde se tait. Qui ose se lever, finit évidé baigné dans son sang.
La ville s’étend, les gens s’entassent. On boit pour oublier on paye pour s’échapper. Et sur une plage, dans un mètre carré, les corps se mêlent et cultivent leur cancer. Et ça n’a pas de prix, de se faire rembourser, tant qu’les clopes couteront moins chère qu’un sandwich thon-tomates, j’préfère bouffer d’l’air et cracher sur c’t’arnaque.

La belle affaire, la haine se propage. Après le sida, le nouvel mal à la mode c’est humanophobie. Et y’a qu’à regarder, huit heure dans l’métro 13, entre deux clochards somnolant se pressent le peuple endormi.
La belle histoire, celle qu’on nous a promis, dis-moi toi, t’y crois qu’on y aura droit ?
Les gosses, la maison, le chien et les vacances à Miami. J’préférais pas finir à Etretat.

Regarde-moi. J’suis pas transparent. Regarde-moi. Si tu veux j’montre mes dents.
Ecoute-moi, j’ai plus vingt-ans. Touche-moi, si tu veux c’est moi qui prends.

Epouse-moi, on adoptera nos enfants, qu’ils viennent du Nigeria ou pas, ils seront bien avec nous comme parents.
Ecorche-moi de tes doigts ternis, j’t’ai dans la peau comme une brûlure glacé à force de toujours refuser de devenir grand.

Et si demain je meurs ? Et si demain on crève ? Qui sera là pour prendre notre relève ?
Et si pour toi, je meurs ? Et si pour moi, tu crève ? Dis-moi encore qu’à deux, c’est eux qu’on baise !

James From France
http://jamesfromfrance.wordpress.com/2013/05/29/reve/