QUE PENSE LA HIERARCHIE DE L’EGLISE CATHOLIQUE A PROPOS DE CETTE AFFAIRE ? MGR ANDRE VINGT-TROIS A-T-IL UN AVIS ? AVONS-NOUS DES « LECONS DE MORALE » A RECEVOIR DE LEUR PART ?

Au Canada, un scandale de pédophilie rattrape une communauté catholique

Entre 1940 et 1982, 500 à 600 jeunes sourds de 8 à 17 ans auraient été abusés physiquement ou sexuellement dans un pensionnat de Montréal, par 34 pédophiles : 28 membres de la congrégation catholique des Clercs de Saint-Viateur et six employés laïcs. Carlo Tarini, porte-parole de l’Association québécoise des victimes de prêtres, est catégorique : “Au moins 300 ont été agressés sexuellement à répétition, ce qui en fait le plus gros scandale au monde concernant des enfants sourds, après celui impliquant 200 victimes d’un prêtre américain. Sous la mainmise de l’Eglise catholique, le Québec était à l’époque le paradis des prêtres pédophiles !”

Le 22 novembre, un reportage-choc d'”Enquête”, émission vedette de la télé canadienne, a donné la parole à d’anciens élèves du pensionnat. Dimanche 25 novembre, le Centre de la communauté sourde de Montréal devait organiser une manifestation de victimes devant l’ancien Institut des sourds de Montréal, un imposant édifice ancien dans le nord de la ville, en cours de transformation en appartements de luxe. Celui-ci est de triste mémoire pour les sourds envoyés de tout le Québec dans cette école spécialisée.

Alerter l’opinion publique est désormais le combat des victimes présumées, qui ont intenté un recours collectif devant la Cour supérieure du Québec au printemps. Son examen traîne en longueur, comme celui des plaintes déposées devant la police. La moyenne d’âge de ceux qu’elles mettent en cause est de 70 ans. Certains prêtres sont décédés, d’autres toujours en exercice.

“Le temps presse”, note Gilles Read, directeur du Centre de la communauté sourde de Montréal. Il a lui-même recueilli 124 témoignages et entendu bien des histoires d’horreur : “Des enfants battus à coups de batte de base-ball, poussés dans un escalier ou frappés en plein réfectoire pour avoir critiqué un plat.”

Certains auraient été agressés sexuellement à répétition. De véritables cauchemars. Cité dans le recours collectif, un jeune pensionnaire raconte ainsi avoir subi, de 8 ans à 14 ans, des agressions au moins une fois par semaine par trois religieux à partir de 1968, puis, de 12 ans à 14 ans, le rythme serait devenu quotidien… Les cas de rapports sexuels forcés avec des enseignants et surveillants se compteraient par centaines, selon M. Read.

“DES ÉLÈVES ÉTAIENT CHOISIS”

“Chaque vendredi soir, des élèves qui ne rentraient pas dans leur famille étaient choisis”, assure-t-il, et chaque dimanche soir, les premiers à rentrer étaient également exposés aux sévices. Il ne décolère pas : “Les religieux étaient censés éduquer de jeunes sourds, mais ils ont profité de leur handicap pour en abuser et les détruire psychologiquement.” Sourd lui-même, envoyé au pensionnat de 1963 à 1971, il a échappé au pire : “Au premier attouchement, j’en avais parlé à mon père qui avait menacé l’ecclésiastique. Le message était passé.”

Daniel Cormier, 61 ans, a eu moins de chance. Il raconte aujourd’hui ce qu’il a longtemps tu, par peur d’être traité de menteur, avec représailles au pensionnat, comme d’autres l’ont vécu. Il veut désormais “dénoncer les abus, voir l’affaire éclater au grand jour et les agresseurs encore vivants répondre de leurs actes”. Il dit “avoir été témoin, en huit ans au pensionnat dans les années 1960, de nombreux abus sexuels”. Il raconte comment “un frère enseignant et surveillant” s’était comporté en prédateur, abusant de lui pendant trois mois alors qu’il n’était âgé que de dix ans.

Marius Paquin a été témoin privilégié des ravages subis par ces jeunes sourds. Neuropsychologue, lui-même sourd à 15 ans, il a travaillé, de 1993 à 2002, à l’Institut Raymond-Dewar, le centre de réadaptation qui a succédé à l’Institut des sourds. D’anciens élèves, surveillants et employés, il a entendu de terribles récits. “Les abus, sodomies, fellations, étaient banalisés, et le tabou tellement fort que personne n’en parlait.”

Plus tard, à l’institut Raymond-Dewar, ce passé terrible n’a cessé d’être ressassé. “C’était un secret de Polichinelle. Chaque fois qu’un religieux de l’ancien pensionnat décédait, la marmite sautait. Dans la salle commune, il y avait beaucoup de colère. On dressait la liste des abus perpétrés et des victimes” du défunt. M. Paquin met en avant celle des dommages psychologiques subis par ces enfants et croit qu'”aucune guérison n’est possible sans crever l’abcès”.

Source : http://www.lemonde.fr/international/article/2012/11/24/au-canada-un-scandale-de-pedophilie-rattrape-une-communaute-catholique_1795457_3210.html