Quand la haine s’installe dans le débat : Intimidations, insultes et menaces…

Une marée nauséabonde de lettres et de mails d’insultes ou de menaces, le plus souvent anonymes, se déverse sur les élus favorables au mariage pour tous.

“Le mariage des pédérastes et des gouines, on n’en veut pas. Qu’ils partent ailleurs se marier. Les Français ne veulent pas que lé décadence des meurs continue.” On vous épargne la suite et la métaphore scatologique. Le texte est à l’avenant, fautes garanties d’origines, lesquelles tendent à prouver que l’orthographe est ici bien plus menacée que les mœurs. Le destinataire ? Matthieu Rouveyre. Le conseiller général PS de Gironde, conseiller municipal d’opposition à Bordeaux, a reçu cette missive au contenu nauséabond dans sa boîte aux lettres de l’hôtel du département. Écœuré, ce militant LGBT l’a directement placardée sur sa page Facebook. Pour l’exemple.

Une initiative isolée ? C’est loin d’être le cas. Nombreux sont les élus qui reçoivent aujourd’hui des courriers ou des mails d’insultes, en raison de leur positionnement sur le Mariage pour Tous. La haine déferle dans les boîtes au lettres, virtuelles ou non, avec une désormais totale absence de retenue. ” Il y a eu trois phases, à l’image du débat”, témoigne pour FranceTVInfo un assistant parlementaire d’Yves Jégo (UDI), qui a voté le projet de loi. “De septembre à décembre, on avait quelques courriers d’opposants, très respectueux. A partir de janvier, c’est devenu massif et le ton était clairement trash. Aujourd’hui, on en reçoit moins, mais c’est très violent.

Tous peuvent en témoigner. En Vendée, deux députés socialistes ont mis ce déferlement de haine sur la place publique. Sylviane Bulteau dévoilait ainsi dans les pages de Ouest France qu’elle avait été directement menacée, l’auteur du courrier promettant de “la faire sauter avec des explosifs” et de “s’en prendre à quelqu’un de sa famille”. La lettre était signée IFO, ce même collectif qui avait posté une balle au juge bordelais Jean-Michel Gentil, “sans qu’on puisse affirmer qu’il s’agit du même auteur.” Près de deux pages d’une logorrhée délirante, que ne dépare pas le courrier reçu par Yves Fourage, son collègue parlementaire. “Occupe-toi du chômage plutôt que du mariage, prévient le scribe. Reste sage ou ta maison, on la saccage.”

Même triste constat dans les couloirs parisien.  La ministre de la Famille Dominique Bertinotti est ainsi la cible de courriers d’insultes, dont la fréquence s’est encore accrue avec le passage du texte au Sénat, constate Libération. Les termes choisis ? “Malade, folle à lier ou soumise à la gaystapo ?” Un ton presque policé au regard de certains courriers reçus par le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, le député socialiste Erwan Binet, dont les contempteurs prédisent qu’il sera ” de ceux qui trahissent la France et qui finiront pendus par les pieds comme Mussolini ou suicidés comme Goebbels”. Le même Erwan Binet, rappelle LeMonde.fr, a reçu des menaces de mort et des courriers remplis d’excréments. Son commentaire ? On ne peut pas faire “de loi contre les imbéciles”.

Des “hooligans de la politique” ? Difficile de se faire une opinion. Les courriers aux relents rances, qui mettent mal à l’aise jusqu’aux opposants politiques au mariage pour tous, expriment surtout un rejet phobique de l’homosexualité. Ces textes haineux à la dialectique douteuse mêlent l’insulte, la menace les raccourcis et les amalgames. Et la dénonciation devenue aussi commune que les invectives, jusque dans le courrier adressé à Matthieu Rouveyre, d’un “lobby gay” dont on se demande s’il ne devait pas être juif sous l’Occupation.

Pour l’agresseur verbal de l’élu girondin, l’homosexualité serait “une tare génétique ou acquise au contact des pervers et de vicieux” (sic). FranceTVInfo en dresse un florilège de ces considérations à l’emporte-pièce,  ad nauseam,  “Les homos sont des malades. Les homos sont une pollution. Il ne faut pas avoir peur de les discriminer, question de principe conservatoire” ; “Au lieu de les marier, il faudrait interdire aux homosexuels d’être journaliste, policier, enseignant, magistrat” ; “N’oubliez pas que c’est une porte ouverte aux abus d’enfants en toute légalité pour les réseaux pédophiles !” On en passe et des meilleures…

Matthieu Rouveyre ne cache pas sa consternation face à ce propos. Mais il veut y voir une raison de continuer. “Ces intimidations et ces insultes ont tendance à me rendre plus combatif, commente-t-il. Je milite depuis 10 ans, je ne fais pas mystère de mon homosexualité, j’explique sans cesse aux jeunes qu’être stigmatisés par leur entourage ne doit pas les empêcher d’être eux-mêmes. La société a heureusement évolué. Mais il nous faut travailler, encore, et encore et encore. Le mariage pour tous ne réglera pas tous les problèmes, mais il va faire avancer les choses. Nous ne pouvons pas retourner 30 ans en arrière.

Par Philippe Belhache