Peut-il y avoir une forme de reconnaissance pour les couples homosexuels dans l’Église ?

A cette question posée par le site “La Croix”, le Père Antoine Guggenheim répond « oui ».

Ce prêtre du diocèse de Paris, théologien, ancien directeur du Pôle recherche du Collège des Bernardins, déclare en effet dans le quotidien qu’il faut « s’affranchir du contexte français de la loi sur le mariage pour tous pour se situer dans une théologie de la rencontre et de l’écoute ».

Il estime qu’une reconnaissance de l’homosexualité est possible, lorsque des personnes homosexuelles chrétiennes veulent vivre « un amour fidèle et durable ». « Elle pourrait prendre la forme que l’Église donne habituellement à sa prière : une bénédiction ». Pour le Père Guggenheim, cité par La Croix, « toute personne, quel que soit son état de vie, a en effet besoin d’une bénédiction de Dieu et de l’Église pour faire le bien ».

Cette déclaration est une première. En effet, l’hypothèse d’une bénédiction de couples homosexuels n’a jamais été un véritable sujet au sein de l’Eglise catholique.

Qu’en est-il dans les autres Eglises chrétiennes ? Il existe trois types d’attitudes à l’égard des bénédictions de couples homosexuels : les Eglises qui célèbrent leur mariage, au même titre que le mariage d’un homme et d’une femme ; les Eglises qui bénissent les couples de même sexe, sans célébrer de mariage ; les Eglises qui ne procèdent pas à des bénédictions spécifiques pour les couples homosexuels.

Mariage homosexuel : Seules cinq Eglises chrétiennes, issues du protestantisme libéral, célèbrent le mariage entre personnes de même sexe. L’Eglise anglicane du Canada permet depuis 2004 la célébration religieuse d’un mariage civil homosexuel. L’Eglise anglicane, dite « épiscopalienne », des Etats-Unis, a adopté en 2012 une liturgie nuptiale pour les couples de même sexe. Enfin, les Eglises luthériennes de Suède et du Danemark célèbrent les mariages homosexuels depuis 2009 et 2011. A noter que l’Eglise du Danemark, Eglise d’Etat, y a été contrainte par un vote parlementaire impulsé par le gouvernement.

En juin 2014, l’Eglise presbytérienne des Etats-Unis a changé sa définition du mariage comme l’union de « deux personnes », et s’apprête à célébrer des unions de même sexe.

Bénédiction de couples de même sexe : De nombreuses Eglises protestantes, issues du courant luthéro-réformé, procèdent à des bénédictions de couples homosexuels.

En Europe, sur 20 Eglises allemandes régionales, unies au sein de l’Eglise évangélique allemande, 13 bénissent les couples de même sexe. L’Eglise protestante des Pays-Bas, l’Eglise d’Ecosse presbytérienne, l’Église évangélique vaudoise d’Italie, font de même. Aux Etats-Unis et au Canada, l’Eglise luthérienne d’Amérique du Nord et l’Eglise unie du Christ (réformée) bénissent également les couples homosexuels.

Pas de bénédiction : Les Eglise catholique et orthodoxes ne délivrent pas de bénédictions spécifiques pour les couples homosexuels. Au sein du protestantisme, les Eglises méthodistes, baptistes et évangéliques sont sur la même ligne. L’Eglise anglicane d’Angleterre ne procède également pas à des bénédictions, ainsi que la majorité des Eglises de la Communion anglicane mondiale.

A ce stade, il faut rappeler que, dans le protestantisme, le mariage n’est pas un sacrement. L’union de deux êtres devant Dieu n’attire qu’une bénédiction, de la part du pasteur et de la communauté des fidèles. La bénédiction des couples de même sexe dans certaines Eglises a donc valeur de mariage, même si elle n’en a pas formellement le nom.

C’est pour cette raison que, à l’occasion de la préparation du synode national de l’Eglise protestante unie de France (EPUF), luthéro-réformée, sur le thème de la bénédiction, prévu à l’Ascension 2015, certains souhaitent proposer la bénédiction des couples homosexuels. Cette volonté a pour l’instant plusieurs types de réponses.

La première, institutionnelle, est venue de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL), branche régionale de l’EPUF. Réunie en juin 2014, elle a décidé de conserver sa position initiale de ne pas bénir les couples homosexuels, datant de 2004 : « il n’est pas opportun d’envisager un culte de bénédiction qui entretiendrait la confusion entre couple homosexuel et hétérosexeuel ».

La seconde, individuelle, provient de différents pasteurs. Stéphane Lavignotte, pasteur de la Mission populaire, proche du courant réformé, est depuis longtemps favorable au mariage homosexuel, et bénit déjà des couples de même sexe. Marc Pernot, pasteur réformé de l’Oratoire du Louvre, à Paris, affirme quant à lui avoir béni des couples homosexuels en privé, et se tient prêt à le faire en public.

De son côté Gilles Boucomont, pasteur réformé du Temple de Marais, à Paris, a lancé une plateforme sur Internet pour argumenter contre ses propositions, Benediction.info. Il y écrit notamment : « Nos Eglises ne bénissent pas des hétérosexuels. Elles bénissent des hommes et des femmes qui veulent vivre la conjugalité dans la fidélité que définit l’Ecriture, et qui fait de la vie comme de tout ce qui la constitue, une réalité éternelle. »

En mars 2014, il a prêché sur le sens de la bénédiction : « Nous avons laissé glisser petit à petit le sens de cette bénédiction comme étant juste une forme de la pensée positive, c’est-à-dire donner des paroles gentilles, donner des paroles sympathiques ; dire un peu à l’américaine : “Vous êtes formidable !” (…) La bénédiction dans les Ecritures bibliques n’est rien d’autre qu’un écho au “BIEN !” que Dieu aura proclamé à un moment ou à un autre, sur telle ou telle chose. »