Non à une Eglise qui agit en lobby contre le mariage homosexuel !

Puisque le cardinal André Vingt-Trois invite les fidèles catholiques à écrire aux élus pour participer au débat sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, nous avons le devoir de les alerter sur les véritables intentions de l’Eglise. S’il est légitime en effet qu’une institution religieuse intervienne dans cette discussion, encore faudrait-il savoir ce qu’elle demande vraiment et qui elle représente.

A en croire les évêques, il ne s’agirait que de s’opposer à une dérive démagogique concernant le seul mariage, et toute accusation d’homophobie est récusée avec indignation : il ne serait nullement question de toucher aux droits existants des homosexuels.

Mais est-ce si sûr ? Si on veut vraiment savoir ce que veulent les évêques, il ne faut pas se contenter de leurs appels aux Ecritures et à une argumentation d’ordre anthropologique sans pertinence. Déjà dénuée d’autorité dans une république laïque, la Bible ignore tout de l’amour homosexuel et ne connaît que des actes charnels qu’elle punit de mort. S’il faut s’en inspirer pour condamner l’homosexualité, châtions également quiconque “couche avec une femme qui a ses règles”, et faisons de la femme une simple “aide” pour l’homme, comme le proclame la Genèse. Il n’y a dans les Ecritures aucun modèle familial valable pour nous aujourd’hui. Quant aux arguments anthropologiques, la famille telle que nous la connaissons n’existe que depuis deux siècles tout au plus, et l’Eglise ne l’a mise au centre de son message que depuis moins longtemps encore.

Pour savoir ce que les évêques veulent vraiment, il suffit de lire ce qu’ils ont déjà écrit sur le sujet.

N’oublions pas qu’en 1999 ils avaient déclaré la guerre au projet d’union civile et suivi strictement une instruction vaticane de 1992 condamnant l’homosexualité comme “un comportement pour lequel nul ne peut revendiquer un droit quelconque” ainsi que toute “législation civile” de nature à la protéger. N’oublions pas qu’en 2003 cette condamnation a été réitérée par le Saint-Siège.

“GROUPE D’OPPRESSION”

N’oublions pas que l’instruction de 1992, toujours en vigueur, veut interdire aux homosexuels les emplois d’enseignant, d’entraîneur sportif ou de militaire. N’oublions pas qu’en 1991 le catéchisme des évêques de France a déclaré “malade” toute société “qui prétend reconnaître l’homosexualité comme une chose normale”. N’oublions pas qu’en 2005, en totale contradiction avec le précepte pastoral distinguant entre les actes et les personnes, le Vatican a refusé le sacerdoce aux homosexuels, fussent-ils vierges et chastes.

N’oublions pas qu’en 2008 ce même Vatican a été le seul Etat occidental à ne pas signer la déclaration soumise par la France à l’ONU et demandant “que les droits de l’homme s’appliquent de la même manière à chaque être humain, indépendamment de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre”.

N’oublions pas qu’en 2011 les évêques américains se sont élevés contre la suppression de la règle faisant obligation aux militaires de cacher leur orientation homosexuelle sous peine de renvoi. N’oublions pas qu’au Cameroun, où l’homosexualité est encore considérée comme un délit, l’épiscopat continue avec l’accord tacite du Saint-Siège à s’opposer à sa dépénalisation, malgré les crimes et arrestations sordides dont y sont victimes les homosexuels.

Est-ce donc le Cameroun que les évêques de France veulent proposer comme modèle législatif à notre pays ? Tout porte hélas à le croire : voilà les tenants et les aboutissants du débat réclamé par l’Eglise. Au mieux, dans le monde idéal dont elle rêve, les homosexuels, condamnés à la continence, ne se déclareraient jamais publiquement et vivraient dans la plus totale solitude et le mensonge le plus complet.

Certes, la plupart des fidèles ont une autre lecture de l’Evangile et ne suivront pas la hiérarchie sur une telle voie. Peu importe à l’Eglise toutefois, puisqu’elle réclame un débat à l’extérieur, mais le refuse en interne : voici un mois que nous demandons à rencontrer le curé de notre aimable paroisse parisienne pour discuter de ces questions – en vain. Comme si les homosexuels n’étaient pas des fidèles dignes de ce nom et que l’Eglise, qui leur dénie toute existence en son propre sein, préférât discourir sur eux plutôt que de leur parler directement.

Elle invite en revanche les catholiques à écrire à leurs élus pour exprimer la position de la hiérarchie. Car cette démocratie dont les évêques veulent tirer profit, ils n’en veulent pas pour eux-mêmes : n’oubliez pas qu’eux ne sont pas élus. Est-il bien légitime alors d’accorder la moindre importance à un tel “groupe d’oppression” ?

Source : http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/11/09/non-a-une-eglise-qui-agit-en-lobby-contre-le-mariage-homosexuel_1786382_3232.html