« Minute » condamné pour homophobie pour sa couverture sur le mariage homosexuel

L’hebdomadaire Minute a été condamné pour homophobie, mardi 20 mai, pour ses titres « Mariage homo : bientôt ils vont pouvoir s’enfiler… la bague au doigt » et « Sida : malgré les risques ils vont vous donner leur sang », en couverture d’un numéro de juillet 2012, sorti au début du débat houleux sur le « mariage pour tous ». Les titres s’inscrivaient sur fond de photographie de deux hommes de dos, vêtus seulement de sous-vêtements en cuir lors d’une marche de la fierté, tenant le drapeau arc-en-ciel des militants LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et transgenres).

L’hebdomadaire d’extrême droite était poursuivi par l’association SOS homophobie pour injure et provocation à la haine devant le tribunal correctionnel de Paris, qui a condamné la publication à 4 000 euros d’amende et à 3 000 euros de dommages et intérêts, précisant que la décision concernait uniquement la couverture du magazine, et non plusieurs passages d’articles également visés par l’association.

« C’est une belle victoire », a commenté Elisabeth Ronzier, vice-présidente de SOS homophobie, relevant la « rareté des décisions » en ce sens. « Quand nous sommes déboutés, c’est comme un signal pour dire “allez-y” », a-t-elle poursuivi, en se félicitant de « la reconnaissance réelle d’une infraction qui mérite d’être reconnue ».

L’avocat de Minute, Frédéric Pichon, s’est lui félicité de la relaxe sur le contenu des articles, mais a jugé le montant de la condamnation « assez sévère par rapport à la jurisprudence habituelle » et a évoqué un éventuel appel. Tout en reconnaissant une couverture « transgressive », il avait jugé que l’hebdomadaire « n’excédait pas les limites de la liberté d’expression ».

AMALGAME RÉDUCTEUR ET VULGARITÉ

Lors de l’audience, à la fin de mars, Me Kevin Grossmann, avocat de l’association, avait estimé que l’hebdomadaire voulait « ramener l’homosexualité à une seule et unique chose, la sexualité. Si les personnes homosexuelles veulent se marier, ce n’est pas parce qu’elles s’aiment, pour pouvoir fonder un foyer. Non, c’est pour pouvoir enfin s’enfiler ».

La représentante du parquet avait jugé que si cette couverture était « choquante et utilise un terme particulièrement grossier », assimiler le premier titre à une injure à l’endroit de toutes les personnes homosexuelles serait « un saut intellectuel », la sodomie étant « une pratique absolument pas réservée à la communauté homosexuelle ». Elle avait estimé que seule la phrase « Sida : malgré les risques ils vont vous donner leur sang », et plus particulièrement ce pronom qui « ramasse toute la communauté homosexuelle », pouvait justifier une condamnation.

Mais le tribunal a au contraire estimé que le « ils » du gros titre réduisait « l’ensemble des personnes homosexuelles à une pratique sexuelle » décrite par un « jeu de mot vulgaire sur la sodomie », et dont le caractère « réducteur, clairement méprisant et outrageant » constituait bien une injure.

Le sous-titre mentionnant le sida, en créant « un sentiment de rejet à l’égard des personnes homosexuelles présumées dangereuses et aux actes potentiellement mortifères », constitue lui une provocation à la haine.

AFP